Grand Trail des Templiers

Comment un oubli et une chanson m’ont permis de finir ce Grand Trail des Templiers

Au début de l’année 2022, avec tous les potes de la tente 38 du Marathon des Sables 2021 nous avions décidé de se retrouver sur la course mythique des Templiers, j’avais dit qu’aux vues de la distance et du dénivelé cela risquait d’être un peu juste pour moi au niveau de ma vitesse et des barrières horaires. Sur les 8 de la tente 38, nous étions 5 : François, Stéphane, Nicolas, Sébastien et moi. Avec 2 invités Alexis et Thom (finisheur lui aussi du 35e MDS)

Dimanche 25 octobre 5h15 du matin, j’arrive en voiture avec François à Millau juste à l’heure pour le départ de sa vague, je gare ma voiture et nous filons au départ à 1-1,5km de là. François va partir avec la 2e vague et j’aurai 15 minutes d’avances avant que ma vague, la 3e, ne parte. Je cherche mon téléphone dans mon sac … et je réalise que j’ai laissé mon téléphone dans ma voiture. J’ai d’ailleurs pensé et même dit (François me le confirmera plus tard) « ça serait bête d’oublier mon téléphone dans le coffre de la voiture », c’est ballot mais me voilà sans téléphone. Ma femme, mes parents et tous mes supporters sur WhatsApp vont surement s’inquiéter. Dilemme, est-ce que je retourne jusqu’à la voiture (1,5km environ) pour le récupérer ou je pars sans téléphone et je demande à un coureur de me prêter le sien pour envoyer un sms à ma femme? Je choisis la 2e option, il y a quelques années j’ai bien fait une SaintéLyon sans montre GPS et sans téléphone (congelé), courir sans téléphone devrait donc aller. Ce fût le meilleur choix.

Millau 5h45, km 0, départ de la course

Le départ se passe bien, l’ambiance est magique avec la musique d’Era et les fumigènes, mais ayant oublié mon téléphone je ne peux que vous donner une vidéo trouvée sur YoutTube :

Il ne fait pas trop chaud, je prends ma veste de pluie pour me réchauffer et très vite je me retrouve dans les derniers de la course. J’ai bien essayé de trouver Sébastien et Stéphane, partant dans le même vague que moi, mais ne pouvant les appeler je n’ai pas pu les voir et me voilà seul. Le départ se fait sur une route en faux plat montant. Après quelques km on passe sur un sentier en montée, je monte pour une fois pas trop mal, mais la tête est ailleurs, je n’ai pas trop envie de courir et le moral est dans les chaussettes. Je suis en mode « keskejefoula », il fait nuit et plutôt bon mais je n’ai pas la tête à cela.

La première montée plutôt raide (450m de d+) se passe bien de mémoire, je double quelques personnes, s’en suit un plateau et je recommence à courir, le soleil s’est levé au dessus des nuages et je continue à courir en recherchant Sébastien. Il est plus rapide que moi mais une grosse entorse à la cheville risque de le pénaliser durant la course, par une ou deux fois je crois le voir sur ce plateau, mais en réalité il est encore bien devant.

Quelques kilomètres avant le premier ravitaillement de Peyreleau, un joli bouchon se créé au milieu de la pampa. Ça bouge un peu, mais on reste bloqué au dessus du Tarn. Petit à petit dans le peloton s’en vient la question de la barrière horaire qui est à 9h30. Il est 9h environ, ça commence déjà à se tendre dans le peloton, au détour de notre queuleuleu interminable un bénévole communique avec les organisateurs pour étendre la barrière horaire à Peyrelau. Après une bonne vingtaine de minutes d’attente dans la foret, nous voilà de nouveau en mouvement, mais une bonne vingtaine de minutes de perdues

Peyreleau, 3h36 de course, 22,6km

J’arrive à 9h23, soit 7 minutes avant la barrière horaire, je ne l’avais pas vraiment vu avant le départ cette barrière là, je sens que la pression monte un peu. Je repars aussitôt après avoir rempli mes flasques et pris un ou deux gâteaux.

On longe le bord du Tarn et une belle montée se profile, là je commence à sentir que mes cuisses commencent à souffrir. Dans la montée je croise un couple de coureur, la jeune fille blonde semble en détresse, je les double, ils me doublent. Je ne la sens vraiment pas bien, elle semble avoir les larmes aux yeux, j’essaie de la réconforter avec quelques paroles. Dans la montée, je m’assois pour manger une barre de céréale d’une marque de sport bien connue, une autre coureuse me conseille de ne pas tarder car les serres-fils ne sont pas loin. Je me dis encore!! Comme lors de mes dernières courses, serres-fils me poursuivent, cela devient une habitude, c’est la course aux barrières horaires. Dans les montées je perds du temps et dans les descentes j’en récupère un peu. Je me remets en marche (lente) et sur le plateau. Je croise une dernière fois le couple de coureurs, je crois que la coureuse blonde n’ira pas plus loin que le prochain ravito: crampes? maux de ventre? fatigue extrême? Je sais que tout peu arriver en trail, parfois ça revient, mais quand c’est tendu au niveau des barrières c’est encore plus dur dans la tête pour ne pas lâcher.

Vers le 30e km, je vois une silhouette que je reconnais, une silhouette qui m’a suivi pendant plus de 10km dans les dunes du désert Marocain. Enfin je croise Sébastien qui marche, j’essaie de le réconforter en l’attrapant par l’épaule. Mais il me dit « tout de go » que sa cheville lui fait mal et que pour lui la partie est finie, on marche quelques centaines de mètres ensemble et il me dit de partir. Je suis déçu pour lui qu’il finisse aussi vite, mais il nous avait prévenu que sa cheville n’allait pas vraiment lui faciliter la tache. Il va prendre sa revanche à la SaintéLyon dans quelques semaines.

Le parcours passe un prieuré Templier (celui de Saint-Jean de Balmes), on fait même le détour par l’intérieur du prieuré, un photographe nous attend et immortalise le moment avec une belle photo (que je n’achèterais pas). Petit à petit je me sens mieux, au début je sentais que le moral n’était pas au top et petit à petit avec l’arrivée du jour et du soleil, je me sens de mieux en mieux.

Saint Andrée de Vézines, 6h04 de course, km 34,8

Au ravito suivant, il y a beaucoup de monde, mais pas grand chose à manger, pas grand chose que j’aime en fait. Je suis au pays du roquefort et je n’aime pas cela, je prends quelques biscuits salés, je remplis mes flasques de nouveau et je repars, oui je repars vite car je n’ai aucun message à envoyer, ni de photos à partager. Je suis un peu seul dans cette course aux barrières horaires. Je suis arrivé à 11h52, la barrière était à midi … -8 minutes, la guillotine se rapproche de moi petit à petit, je l’entends qui découpe le chemin au loin.

En repartant je croise un couple de belges qui me dit que la prochaine barrières est à 16h30 au 56e km … en faisant un petit calcul je me dis que ça devrait aller … mais en y réfléchissant un peu plus je m’aperçois qu’il ne faudra pas trainer.

Au 42e km on passe la magnifique Arche de Roquesaltes, j’aurai bien pris une photo … mais on en trouve plein sur internet et oui c’était magnifique, pleins de coureurs s’arrêtent pour prendre des photos … pas moi j’ai une barrière horaire à distancer.

Vers le 44e km je longe une route départementale et le chemin m’emmène directement sur un cirque magnifique, je n’ai toujours pas de photo et j’ai du mal à retrouver l’endroit sur Google Maps, mais l’endroit était vraiment magique, d’après ce que j’ai vu c’était près du prochain ravito La Roque Sainte-Marguerite …

La Roque Sainte-Marguerite, 8h20 de course, km 46

Il est 14h00, il me reste 2h30 pour faire 10km avec surement une grosse montée … ça commence à se tendre vraiment, la barrière horaire à 16h30 va vraiment être limite, mais je suis toujours confiant. Je me pose un peu, je bois et me restaure un peu. C’est un ravito de flotte uniquement, un peu raide quand même, je puise dans mes réserves de barres de céréales mais le gout sucré commence à m’écœurer, j’ai besoin de sel, de pâté, de saucisson ou de comté. Je traverse la petite rivière « la dourbie » et une montée assez raide m’attend. Je fais une pause technique et me revoilà reparti, je regarde petit à petit ma montre et je calcule les barrières horaires … tout semble se tendre de plus en plus, je suis lent très lent trop lent.

Vers le 50e km, une crampe aux cuisses me fait m’arrêter en pleine montée, les muscles tétanisent, je n’ai pas suffisamment manger et/ou bu. Je reprends une barre ou deux et je me refais doubler par un coureur un peu plus âgé que je redoublerai plus tard en descente. Cela commence à ressembler à une fin de course DNF (Did Not Finish ou abandon). A la sortie de la foret je m’approche du ravito, des gens et des bénévoles m’encouragent, les barrières officielles sont dépassées depuis 10 minutes, il est 16h40, j’arrive au ravito, il me semble avoir entendu que les barrières horaires ont été repoussées de 20 minutes, j’ai encore un peu de temps. Mon cerveau en a marre et me dit « Et si je m’arrêtais 10 minutes avant le point de passage, ni-vu ni connu je suis hors délai, je rentre en voiture et basta DNF et l’abandon ! », c’est ce que me dit mon crétin de cerveau depuis un bon moment, en fait depuis presque le début.

La Salvage, 10h57 de course, 56km

Je pointe, à 16h44 soit 6 minutes avant la barrière horaire. J’arrive il y a une ambiance de folie, et je pèse mes mots. Tous les bénévoles et certains coureurs sont en train de danser sur la chanson « C’était Lola », prénom de ma fille. Cela me fait passer à mes filles, ma famille et tous mes supporters qui doivent se dire « mais pourquoi n’envoie-t-il pas de messages? ». J’avoue une petite larme me monte aux yeux. Une bénévole me dit qu’il y a du pain, du pâté, du jambon (le luxe pour moi) mais également de la soupe chaude. Je demande de la soupe et une autre bénévole me demande si j’abandonne ?!?! Je réponds du tac-o-tac « je ne sais pas encore ». En prononçant ces mots, je réalise que je ne suis pas près à rendre les armes, je finis ma soupe. J’avale mon pâté, je remplis mes flasques pendant que les bénévoles continuent leur danse effrénée sur une nouvelle chanson, du Johnny: « Allumer le feu ». Là, Johnny a réveillé le Mr Hyde qui dormait dans Dr Sylvain. Je bascule en mode « Never surrender », je vais la finir votre course, je n’abandonnerai pas il faudra venir me chercher, me disqualifier. Je repars à 16h52, temps de pause de 6 minutes, prêt au combat à affronter la suite et la fin du parcours. Quelques bénévoles m’encouragent en voyant ma tête déterminée d’aller jusqu’au bout de cette course.

Enfin c’est la théorie, je sais que la prochaine barrière n’est pas loin et au vu de mon temps sur le dernier tronçon mes chances de finir la course sont quasi nulles. Mais comme je l’ai décidé au ravito, il faudra venir me chercher aux barrières horaires, je n’abandonnerai pas une 3e fois cette année.

Je continue dans une mini-vallée très encaissée, surement un lit de rivière en contrebas, tous est très boisé et je double 2 coureurs qui me semblent un peu trop lent en descente pour moi. Un peu plus tard ils me repassent devant dans la montée suivante. Et s’en suit un labyrinthe de bois et de sentier sans trop de vue. Je ne me pose pas la question des barrières horaires, je suis au max. Petit à petit les km s’accumulent et le temps passe vite. Il est 18h30 déjà, quelle était la barrière horaire, je crois que c’était la dernière, il me semble qu’un bénévole ou un coureur m’a dit 18h30, je suis dans la pampa, surement hors-délai dans une montée pas très raide sur le flanc d’un massif. Tout au loin, je vois 2 autochtones, j’avance tranquillement au max de mes possibilités, je suis à 64km environ.

L’une des deux personnes me dit « les barrières horaires ont été repoussées de 40 minutes, il vous reste 15 minutes pour le prochain ravito et il se trouve à 5 minutes’. Je pensais que la faucheuse m’attendait d’ici 1 km ou 2, mais elle a été retardée et elle est encore derrière moi. Je réponds et demande « mais c’est la dernière barrière horaire, non? », le bénévole me dit que oui et que nous irons sur l’itinéraire de délestage pour les 10 derniers km. En geste de victoire je brandi une main en l’air, le doigt pointé sur le ciel en signe de victoire, je vais devenir finisher du Grand Trail des Templiers. Je n’y crois pas, après être passé si près de l’abandon à la Salvage me voilà persuadé de finir mon premier Trail de 2022 !!!

Mas de Bru, 13h04 de course, km 65

Je double un autre coureur en lui disant que l’on va finir la course, j’exulte, je suis en transe. Je m’arrête quelques minutes et me revoilà parti dans la pampa Aveyronnaise. Je croise quelques bénévoles qui remontent sur le ravito du Mas du Bru. Le soleil est couchant, la vue est magnifique sur la région de Millau et je m’engouffre dans la foret pour m’enfuir au dernier ravito.

Massebiau, 14h de course, km 71

Il fait bien nuit j’arrive dernier d’une grosse poignée de coureurs, les bénévoles nous font partir sur l’itinéraire de délestage, une partie plate et routière qui longe la rivière Dourbie. Je repars sans trop m’attarder, tous les coureurs restent sur le ravito, je ne sais pas pourquoi et très vite je me retrouve seul dans le noir avec un balisage très très rudimentaire voire inexistant par moment. Après 500m je croise un autre coureur qui se repose en pleine nuit tout feu éteint, puis soudain un deuxième coureur qui surgit dans la nuit me double en courant dans le noir total. Petit à petit, je me rapproche de Millau, bien que je pense à plusieurs moment m’être trompé de chemin. Mais il n’y a pas vraiment d’autre chemin. Pendant mon long périple bitumeux le long de la rivière, je vois au loin sur ma droite une cohorte de frontales en train d’escalader le massif en face de moi, 2 montées très raides juste en face. Voici donc, de loin, ce à quoi j’échappe, d’ici je les plains un peu. Mais mes potes du MDS me diront que ces deux montées sont vraiment infernales c’était presque de l’alpinisme !!

En entrant dans Millau je réalise que je vais passer à 100m de ma voiture, où mon téléphone devrait m’attendre patiemment au fond du coffre, je fais une petit rallonge pour prendre mon téléphone et donner des nouvelles à mes supporters qui ne savent plus vraiment où je suis. Le site me signale encore au 70e km alors qu’il me reste 1,5km tout au plus, je suis au km 78 sur 80.

Millau, 15h06 de course, km 80

A l’arrivée je me perds pour trouver l’entrée … pardon la ligne d’arrivée, j’enjambe la rambarde à 200m de l’arrivée, j’ai l’impression de ne pas avoir vraiment profité de la montée jusqu’à l’arche d’arrivée et j’ai un peu le sentiment de ne pas mériter ma place de finisher, à cause de cet itinéraire de délestage un peu routier. Mais j’arrive en 15h06 réel mais j’écope de 2h de pénalités pour n’avoir pas fini le parcours officiel, mais je suis finisheur des Templiers, ma première course de 2022.

La médaille (en bois) des Templiers

Stéphane, Nicolas, François, Alexis finiront ce magnifique Trail. Stéphane finira par le 2e itinéraire de délestage, il avait une heure d’avance sur moi quand j’ai été dérouté au Mas de Bru sur le premier itinéraire de délestage. Il écopera d’une heure de pénalité, tout calcul fait, il est plus rapide que moi et se retrouve derrière moi au classement, son temps officiel est de 17h52 et moi de 17h06. Leurs calculs de pénalité sont vraiment à revoir, il m’aurait fallu bien 3h minimum pour finir la course et il est vraiment anormal que je sois devant lui.

Un grand merci à tous mes supporters, qui même sans nouvelle de ma part on bien commenté ma course, Matthieu faisant l’animation sur le forum WhatsApp. Les paysages sont vraiment magnifiques, les bénévoles étaient vraiment aux petits soins pour nous et un grand merci à l’organisation d’avoir étendu la barrière horaire de 20 puis 40 minutes, ceci m’a permis de finir cette course mythique. Le fait d’avoir oublier mon téléphone a contribué au succès de la course, quelques photos prises quelques minutes de perdues et j’aurais été hors délai.

Ce fût un vrai plaisir de revoir les potes de la tente 38 du MDS et j’espère bien que l’on va renouveler cela pour 2023

Vues du parcours officiel entre le 70e et le 80e km, photo de François