Ma 2e LyonSaintéLyon

L’année dernière, lors de ma première LyonSaintéLyon, dans les premiers kilomètres j’avais discuté avec un coureur qui avait déjà fait l’aller-retour un certain nombres de fois et il m’avait expliqué qu’il avait fini entre 40 et 50% de ses LyonSaintéLyon, ce chiffre m’avait marqué. En avril dernier je me suis inscrit à cette 2e LSTL aussi pour cela, pour voir si en 2021 j’étais arrivé grâce à cet hypothétique quota de 50% de finisheurs. Et cette année est-ce qu’une deuxième LyonSaintéLyon allait s’offrir à moi de nouveau ?

Entrainement

Un petit mot sur mon entrainement pour cette 2e LyonSaintéLyon (LSTL), cela faisait un moment que je voulais tester l’entrainement de mon ami d’enfance Grégo, sa méthode est simple LSD (Long Slow Distance): courir tous les jours 20km et cela jusqu’à une semaine avant l’échéance. J’ai essayé cette méthode sur 14-15km par jour pendant une semaine, j’aurai voulu continuer une deuxième semaine pour arriver fin prêt, mais des petites douleurs aux mollets m’en ont empêché. J’ai quand même pu enchainer un peu plus de 90km la semaine du 14 au 20 novembre 2022. Je restais dans la zone 2 de ma fréquence cardiaque avec une moyenne aux alentour de 125 battements / minute. J’arrive bien mieux entrainé par rapport à l’année dernière et j’espère que cela va se voir quelque part dans les chiffres de cette course.

Lyon

Mon autre pote d’enfance Hervé, est venu me voir il était de passage sur Lyon, mon pote Sébastien du MDS est également de la partie. Sébastien va partir ce soir de Saint-Etienne pour sa première SaintéLyon et surtout son premier trail long. Il y a un peu plus d’un mois il avait dû abandonné lors du Grand Trail des Templiers à cause d’une cheville un peu fragile, celle-ci va mieux et je le sens bien plus confiant qu’aux Templiers.

J’ai du mal à réaliser que je vais partir pour un peu plus de 150km, et je n’ai aucune confiance au fait de finir. Je croise une amie des réseaux sociaux Charlène, on devrait faire la course ensemble. Même si on n’a jamais couru ensemble, on va essayer; mais je la sais plus rapide que moi. Je croise également Casquette Verte qui vient s’installer juste devant Séb, Hervé et moi. Très vite les coureurs s’installent et me voilà dans le sas de départ. Déjà le départ, je ne me sens pas près. J’espère que tout se passera aussi bien que l’année dernière et que je verrai de nouveau cette arche d’arrivée. Il est toujours difficile de refaire une course, on veut toujours faire mieux, aller plus vite et se sentir mieux, j’ai tous mes temps de l’année dernière sur un papier, je suis mieux entrainé donc tout devrait mieux se passer, mais face à ce mur de l’ultra on se sent toujours fébrile et je le suis.

Le gilet Jaune des LyonSaintéLyon

Halle Tony Garnier, départ 9h00, km 0

Le départ se fait assez vite, Charlène discute avec tous ces potes et file bon train, environ 5min/km. Je ne vais pas la suivre longtemps à ce rythme, on passe le pont Raymond Barre, le musée des Confluences et le pont de la Mulatière. Arrivé aux escaliers du Grapillon, je vois Charlène disparaître je ne pourrai pas la suivre à ce rythme, mais de toute façon il est difficile de ne pas courir à son rythme: trop rapidement ou trop lentement, surtout sur un ultra la fatigue s’en ressent vite.

Un petit plus haut je croise mon pote Grégo qui prendra aussi le départ de la SaintéLyon. Il est toujours là, comme l’année dernière lors des mes 2 passages à l’aller et au retour, mais demain pour mon retour il sera dans son train car les braves agents de la SNCF ont décidé de faire une grève surprise juste pendant le week-end de la SaintéLyon.

Je discute avec quelques coureurs un peu plus âgés que moi et dont certains ont un joli palmarès: la Diagonale des fous. Je suis assez étonné que des coureurs aussi rapides que moi (donc plutôt lents) aient pu finir « la Diag », un coureur me dit que c’est jouable passé un certain ravito, les barrières horaires deviennent plus larges … un jour peut-être je regarderai cela de plus près.

Je continue entre route et sentiers, la météo n’est pas aussi exceptionnelle que l’année dernière mais pas de pluie, juste un ciel très nuageux et plutôt bas. Les jambes vont bien, je passe la ville de Chaponost qui sera le dernier ravitaillement du retour. Quelques badauds étonnés nous demandent si on est pas en avance et dans le mauvais sens, je leur réponds que nous faisons l’aller et le retour soit 2x78km. A leur tête, j’en conclue qu’ils ne me croient pas, mais les coureurs qui me suivent vont leur expliquer la même chose, ils finiront bien par comprendre que l’on est fou. Je discute aussi avec d’autres coureurs, dont un journaliste de France Bleu Loire qui a décidé de vivre la course de l’intérieur, on se double plusieurs fois et il finira sa course !!

Soucieu en Jarez, 2h56 de course, km 24km

Ça y est, premier ravitaillement et je commence à psychoter, j’ai 5 minutes de retard par rapport à l’année dernière. Je suis bien, très frais, mais en retard. Mon entrainement m’a-t-il trop fatigué pour expliquer ces 5 min de retard? Je mange un peu je remplis mes flasques et je repars sous un petit crachin. Je ne sais pas comment interprété ce retard, le parcours est quasiment identique et je suis à la bourre, 5 min c’est rien mais je sens que cette LSTL ne va pas être une partie jouée d’avance.

Il y a pas mal de brouillard, on monte sur le signal, puis Saint-André la Côte et on fait la descente du rampeau. Un petit peu après, vers le 40e km, je mange une nouvelle barre que je n’ai jamais gouté auparavant, le gout n’est pas extra, mais je ne me sens pas bien. Je ne finis pas la barre et j’ai plutôt envie de la vomir. Je bois un peu en espérant que cela passe et 2km plus tard je finis tant bien que mal cette barre au gout étrange. Je commence à m’inquiéter: si je ne peux plus manger? Je ne vais pas aller bien loin, même l’arrivée à Saint-Etienne est compromise! Période de doute total, j’ai quelques douleurs aux jambes, c’est tôt dans la course et tout semble mal se passer.

Quelques kilomètres plus loin, je prends une autre barre au gout que je connais mieux :noix de coco-chocolat, ces barres passent bien mieux normalement. Celle-ci ne passe, mais je sens que mon estomac n’est pas trop d’accord. J’arrive tout doucement à Sainte-Catherine, presque le milieu de course de cette LyonSainté.

Sainte-Catherine, 5h51 de course, km 48

J’ai 4 minutes d’avances par rapport à l’année dernière, j’ai un peu repris d’avance, mais la parcours est bien différent, cette année il y a 3 km de plus par rapport à 2021, donc me voilà bien en avance. Étrange quand même, je suis à 4 min près sur les même temps que 2021, je suis un métronome. M. l’Estomac va un peu mieux, cela me rassure. En arrivant au ravito, j’aperçois mon père à l’entrée et ma mère juste derrière. Ça me fait vraiment plaisir de les voir, ils sont toujours là quelque soit la météo. Je me restaure vite, je discute avec eux. Je vois un ou deux coureurs dans le mal total, ils semblent HS et exténués, cela me rassure (égoïstement) sur mon état de forme, mais je les plains d’être dans cet état aussi tôt dans la course, il reste encore 110km. Je repars vite dans le montée de Sainte-Catherine avec un brouillard toujours à couper au couteau.

Je discute avec d’autres coureurs et j’essaie de me rappeler l’endroit ou l’année dernière j’avais mis ma frontale, mais on ne passe pas par les mêmes endroits et ayant prévu le coup en partant de Lyon, ma frontale étant bien coincé dans mon nouveau sac Decathlon, la mettre sur ma casquette ne me fait pas perdre un temps infini comme l’année dernière et me voilà dans la pampa des Mont du Lyonnais bien éclairé filant sur Saint-Christo en Jarez.

Saint Christo en Jarez, 9h23 de course, km 62

Cette ville est un endroit glaciale, comme chaque année le vent et le froid balaient cet endroit. J’arrive avec un couple de coureur. Un peu avant, d’autres coureurs étaient perdus et ne semblaient pas avoir le tracé dans leur montre GPS. Même avec le brouillard je trouve facilement le chemin et je deviens guide de la LSTL pour arriver à Saint Christo.

J’arrive avec 7 minutes d’avance par rapport l’année dernière. Je me repose un peu, je mange et bois un peu au ravito. J’adore les vestes SaintéLyon des bénévoles, d’ailleurs sur la suggestion d’un bénévole (qui fut aussi coureur), il me conseille de faire la course en tant que bénévole, pourquoi pas en 2023 ?? Je repars peu de temps après mon arrivée, dans un froid sibérien, un vent glacial et une brume qui n’incite pas à marcher. Je me perds un peu dans le brouillard, pas facile de repérer le panneaux en sens inverse du parcours SaintéLyon, plusieurs fois je fais quelques demi-tours et je me perds dans cette purée de pois.

Petit à petit me voilà à Valfleury, le retour à la civilisation, puis Saint Jean Bonnefond, la banlieue de Saint-Etienne. Puis j’arrive au panneau Saint-Etienne, l’ambiance est calme il n’y a personne, quelques bénévoles pour nous indiquer le chemin. Je passe le parc de Méons, je continue en marchant en suivant d’autres coureurs, puis au loin ENFIN l’arche de départ … de la SaintéLyon. Donc point d’arrivée de ma LyonSainté. Je me mets à recourir, je vois au loin les silhouettes de mes parents et de mon pote Hervé. Les jambes vont bien, les petites douleurs du 40e km sont passées. Je passe l’arche pour enregistrer mon temps officiel: 12h26 soit 5 min de mieux que l’année dernière, un gain de 0,66%, pas terrible mais l’essentiel est d’être frais et d’être prêt à faire le retour. Par contre les jambes sont au top, je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir couru 78km et je me sens très frais pour repartir: la LyonSainté c’est donc très bien passée !!!

Palais des Exposition Saint-Etienne, 21h30-23h30

J’entre dans le palais des expo de Saint-Etienne parmi tous les futurs coureurs de la SaintéLyon, je croise Mikaela une amie qui va faire sa première SaintéLyon, puis Olivier qui se lève, vient me dire bonjour et me féliciter. Je suis très content de les voir, je vois des regards très interrogateurs me concernant, je suis « un jaune » et je suis repéré comme un surhomme, un fou qui a déjà fait l’aller et qui va tenter le retour. Beaucoup de regards se posent sur moi, certains viennent me parler, me demande la météo sur le parcours et beaucoup me félicitent du regard ou de vive voix. C’est assez grisant je l’avoue. Je cherche mon pote Séb, je le trouve proche de l’endroit dédié aux jaunes de la LSTL, ça me fait très plaisir de le voir. Je m’éclipse un moment pour manger un peu, me reposer, recharger mon téléphone et ma montre GPS.
On discute pas mal avec Hervé et mes parents, après leur départ je me retrouve seul proche du départ pour les coureurs de la LSTL. Un coureur de la STL vient me demander de le prendre en photo, dès qu’il voit mon dossard jaune de la LSTL, il me demande pardon et veut me laisser tranquille. Il vient de réaliser que je fais partie de ceux qui font l’aller-retours. Je lui montre que mes jambes sont au top et je prends la photo avec plaisir. Vers 23h15, je me dirige sur le départ de la SaintéLyon, je sais que la nuit va être difficile et qu’il va falloir être costaud pour finir, costaud dans la tête car ce parcours je commence à le connaitre cela fera ma 7e SaintéLyon.

Photo de Mikaela à mon arrivée à Saint-Etienne après 78km

Saint-Etienne, 23h30-23h45, km 78

Je me ré-installe dans le sas des élites et celui de la LyonSaintéLyon, je me fraie un chemin en enjambant une barrière de sécurité, les jambes ne vont pas si mal que cela. Je suis entouré d’autres coureurs de la LyonSaintéLyon, tout plein de gilets jaunes prêts à en découdre et finir les 78km restant et faire le retour. On attend un peu plus longtemps que prévu: 2 voitures bouchent le passage sur le parcours, les organisateurs mettront 15 minutes pour dégager le passage pour ces 7000 coureurs près à en découdre. Le moral est bon et je sais que le premier sas va partir très vite, il faudra vite que je me planque sur la gauche ou sur la droite pour laisser les élites partir (15km/h) voire plus. Pour ma part je vais plafonner à 9km/h en vitesse de pointe.

Tout comme l’année dernière dans les premiers km beaucoup de coureurs viennent me/nous féliciter, nous les: aller-retours, les gilets-jaunes ou les LyonSaintéLyon. Tous ces encouragements font vraiment chaud au cœur, par contre je me fais aussi bousculer dans les 10 premiers km par d’autres coureurs très rapides qui veulent passer coute que coute. Je croise rapidement Victor, Stéphane, Matthieu et Mikaela (amis du club « Cop’Ain de Trail » du Pays de Gex) qui me doublent, ils m’ont vite trouvé grâce à ma casquette rouge, ma veste bleue et ma chasuble jaune. Jusqu’à Valfleury le moral est pas trop mal, mais dans la montée après Sorbiers la tête commence à lâcher. Je cours, un peu, je marche aussi. En retournant dans cette montée je vois une horde de frontale: c’est magnifique, toute cette horde de frontale va me doubler, je ne suis pas à l’agonie mais c’est de plus en plus difficile dans la tête, voir tous ces futurs coureurs qui vont beintôt me dépasser me fait rentrer en mode « maiskeskejefoula ». Dans cette montée je m’arrête sur la droite, quelqu’un m’attrape par l’épaule. C’est Sébastien qui me double et me suit sur quelques centaines de mètres. Il est frais le bougre et en pleine forme, je lui dis de parti, je vais être une vraie tortue sur les 65km restant, je crois qu’il ne me voit pas au mieux, il me fait une bise et s’en va, sa bise m’a fait un bien fou. J’ai continué jusqu’à la Sibérie des Monts du Lyonnais: Saint-Christo en Jarez.

Saint-Christo en Jarez, km 98, 15h27 de course

Presque un 100km, il est 3h du matin, il fait froid et c’est vraiment la cohue dans ce ravito. Je traine un peu comme un zombie, je mange, je bois et je repars. Plus trop de souvenir de ce passage, le cerveau a dû dormir aussi. Un peu plus loin je me réchauffe près du brasero dans la pampa, 7 ans que je fais la course à chaque fois des bénévoles sont là avec un énorme feu pour nous réchauffer et pour faire de la pub pour la course « Courir pour des pommes » ou quelque chose comme cela. Je m’arrête un peu, je n’ai pas très chaud, et cela fait du bien.

En arrivant sur Sainte-Catherine, je croise plusieurs fois un autre gilet-jaune, il semble ne plus tenir debout et me demande quand se trouve le point le plus haut de la course. Il n’en peut plus, il a trop sommeil. Je lui remonte le moral en lui disant que le sommet est un peu après Saint-Catherine, la fameuse montée du Rampeau. Je lui dit qu’après c’est plutôt descendant et que tout ira bien.

Sainte-Catherine, km 110, 19h14 de course

Il est presque 6h du matin, le soleil va mettre encore 2h pour venir et nous réchauffer. Je suis plutôt bien, les jambes sont vraiment au top depuis environ 10km, rien à redire des jambes sont solides. Mais la tête n’est toujours pas au mieux, j’ai remonté le moral d’un autre coureur, mais je commence vraiment à plonger. La tête ne suit plus du tout, je suis au fond du trou. Je ne m’arrête pas longtemps et je pars affronter cette fameuse montée du Rampeau d’ici quelques km, je sais qu’elle va être courte en distance mais très longue en temps.

C’est ici le début de cette maudite, montée ? Non pas encore, je continue toujours dans la nuit, mais ou est-elle ? Petit à petit j’arrive au pied de cet Everest et il fait encore nuit. Je fais les premier mètres et je commence mon premier arrêt, je regarde au dessus de moi je crois voir un fantôme … une sorte de fantôme de lumières colorées qui se dandine un peu au dessus de moi. Je me fais doubler, je continue, ma marche sur cette rampe interminable. Je monte, je marche et je m’arrête pour reprendre mon souffle. Ce maudit fantôme continue à me narguer un peu au dessus. Je vois au dessus ce qui ressemble à des murs d’habitations, étrange je n’ai pas vu d’habitation près du Rampeau hier à l’aller. Je continue de monter, les murs semblent se déplacer avec moi et ce maudit fantôme également. Le jour se lève de plus en plus mais est-ce que je ne suis pas en train d’halluciner? La fin du Rampeau approche, les murs d’habitations étaient des hallucinations dues aux premiers rayons de lumière du jour … mais ce fantôme où est-il ?

Me voilà de nouveau à Saint-André la côte au pied de la grande antenne, en redescendant sur le chemin j’aperçois de nouveau mon fantôme, bien accroché au sac de trail d’un autre coureur. C’était une guirlande lumineuse sur son sac, c’est sûr on le voit de loin ce fantôme-guirlande. Mais dans la montée du rampeau je le voyais se dandiner comme un fantôme qui se baladait et me narguait 30-40m au dessus de moi. Je ne suis pas fou, j’ai juste halluciné.

Avec le jour, les chemins me rappellent la veille, les mêmes endroits dans l’autre sens, Le Camp-Saint-Genou en approche, chemin différent de jour par rapport à l’année dernière. Je regarde mes temps par rapport à l’année dernière, il me semble que je suis limite dans les mêmes temps. Cela me frustre énormément, la tête est toujours dans le dur, j’ai envie d’arrêter depuis Sainte-Catherine je n’arrive pas vraiment à accélérer par rapport à l’année dernière, le moral est au plus bas.

Saint-Genou, km 123, 21h41

J’arrive en forme au ravito, toujours difficile dans la tête, je me restaure et je m’installe sur une pierre bien assis pour voir les messages de mes supporters et pour me remonter le moral. Il est 9h du matin, tout mes supporters sont au top, Victor, Stéphane et Matthieu de Cop’Ain de Trail ne sont pas encore arrivés et il semble que leur course soit un peu plus difficile que prévue … ah oui c’est une SaintéLyon! Je n’en ai pas vraiment un souvenir très marqué, mais il y a pas mal de boue sur cette SaintéLyon 2022, de toute façon la boue est toujours au programme mais rien à voir avec la version 2019 … je ne trouve pas cette SaintéLyon très boueuse ni très difficile, 2019 restera dans ma mémoire la plus difficile et de loin.

Je repars dans la petite montée sur la gauche, la tête toujours dans le dur, une envie d’arrêter de finir, mais pas encore décidé d’abandonner, maintenant je rentre dans le plus dur avant Soucieu. Plus ça va, plus le cerveau dicte sa vision des choses: les jambes sont au top, pas trop de douleur, mais le moral s’en va. L’envie de quitter la course me prend, j’en ai marre, plusieurs fois je me dis que je vais sûrement abandonner. Les 20 derniers km je les connais par cœur, j’ai fait la SaintExpress, la SaintéSprint, 5 SaintéLyon et j’en suis à ma 2e LSTL. Je connais les 20 derniers km du parcours. Imaginer refaire une 9e fois ces 20 derniers km me fait horreur, la nausée, je n’en peux plus. Je n’ai pas pris la décision d’arrêter mais quel supplice de me dire que je vais de nouveau faire Soucieu-Chaponost-Lyon. Le cerveau me dit d’arrêter à Soucieu pour ne ne plus jamais refaire cette course, même si les jambes vont bien, pour me rappeler plus tard dans quel état j’étais, mais je résiste.

Soucieu en Jarrest, km 134, 23h50 de course

J’arrive, je cours encore les jambes sont vraiment bien, l’année dernière les jambes ont coincé à partir de ce moment à Soucieu. Dans la gymnase de Soucieu une bénévole me tend une compote de pomme, compote uniquement pour les coureurs de la LyonSaintéLyon me dit-elle. Ça me réchauffe le cœur de voir que l’on a quelques avantages après presque 24h de course et plus de 130km. Je fais remarquer à un bénévole que les barrières horaires auraient dû être décalées suite au retard de 15 minutes du départ. Pour les coureurs de la SaintéLyon je crois qu’ils ont compensé en faisant partir les vagues plus rapidement, mais pour nous les gilets jaunes, 15 minutes de moins quand on est limite des barrières horaires c’est un joli luxe.

Partir ou rester, choix des aventuriers, mais quelle aventure cette LyonSaintLyon, je ne sais pas ce qui va me pousser à repartir, la tête coince, je n’ai vraiment pas envie de repartir, je n’ai pas pris la décision d’abandonner, je lis mes messages sur WhatsApp. Mon pote Nicolas du Marathon des Sables, me donne une information intéressante: « Sylvain tu fais un top 200, c’est top », il me dit que je suis 198 (de mémoire), mon sang ne fait qu’un tour, mon cerveau analyse, calcule et décide enfin: l’année dernière j’étais 240 à la fin. Je viens de gagner 40 places … je suis un warrior, je repars remonté à bloc pour finir ces 20 petits km.

Après 24H de courses et 130 km, je peux vous le dire, le cerveau vous raconte des âneries, je ne sais pas d’où sort ce chiffre de 240 au classement en 2021. En fait 300m après être parti du ravito de Soucieu, je réalise que l’année dernière nous étions environ 300 partant, si on compte 1/3 d’abandon … on est dans les 200 arrivants … donc je suis bien à ma place, ni plus ni moins. Mais la petite phrase de mon pote Nico m’a permis de repartir de ce trou dans lequel j’étais à Soucieu. Je garde mon élan et je n’ai pas abandonner, merci Nico, mais quels supplices ces 20 derniers km.

Les jambes sont encore bonnes, alors elles vont faire tout ce qu’elles peuvent pour avancer encore et encore, dès que je le peux: je cours. Je double les coureurs de la SaintéLyon tant que je peux, au détour d’une ruelle un petit encouragement « Ah bravo les Aller/Retours » me fait chialer, les jambes toujours au top mais la tête n’en peut plus.

Chaponost, km 145, 25h50 de course

Ça sent la fin, de course et des coureurs, il n’y a presque plus rien à manger au ravito, il y a quelques coureurs je m’arrête aussi. Je regarde mes messages et je m’assied un peu pour me reprendre. Tout les pote de Cop’Ain de Trail sont arrivés, je dis que je suis encore en course. Je repars en pensant déjà à tout le parcours que je vais voir, le Garon, les sapins, les aqueducs, les accrobranches, les escaliers du Grapillon … les ponts et l’arrivée. Je ne suis pas devin mais il faudra tout passer, un peu dans la boue un peu dans le froid.

Alors je me lance, les jambes toujours pas trop mal, l’entrainement de Grégo 14-15 km enchainés tous les jours quelques semaines avant la course ont vraiment bien aidé pour cet ultra. Je double encore et encore, je doublerais 7 coureurs de la LyonSaintéLyon sur le dernier tronçon. La montée des Aqueducs, je passe, je sais que cela ne dure pas longtemps, ensuite la remontée sur l’école et ensuite la descente des escaliers du Grapillon, je double avec fierté pas mal de coureurs de la SaintéLyon dans les escaliers, la fin est proche. Je continue à pousser tant que je peux, je cours je m’en fiche, je veux finir ce calvaire. Je passe le pont Raymond Barre, je me retrouve proche de la Halle Tony Garnier et je continue de courir, je veux finir.

Lyon, km 156, 28h25 de course

J’arrive au bout de 28h 25m, j’ai gagné à peu près 15 minutes par rapport à l’année dernière, une paille. Pourtant j’ai l’impression d’avoir pousser tout ce que je pouvais sur les 20 dernier km. Mes parents sont à l’arrivée comme lors des 8 dernières éditions. Mais que ce fut difficile de faire les derniers km quand la tête ne voulait plus.

C’est avec un immense plaisir que je croise Sébastien qui était encore là juste avant de repartir dans sa région parisienne. Cela m’a vraiment fait plaisir de le revoir.

Photo prise par Seb après mon arrivée

Autant lors de ma première SaintéLyon, celle-ci fût difficile dans les jambes et le physique avait un peu lâché proche de Sainte-Catherine, autant cette année la préparation était bien meilleure, mais la tête a voulu abandonner au retour: du 10e km jusqu’à la fin. Difficile de repartir de Soucieu et Chaponost alors que le physique allait bien. La devise: la médaille ou l’hôpital ne m’a jamais aussi bien porté: tant que tu peux courir tu n’abandonnes pas.

Un grand merci à l’organisation et aux bénévoles qui ont encore été au top malgré le froid le vent et le brouillard. Un grand merci à tous mes supporters sur WhatApp, ceux sur la route et aux autres coureurs rencontrés

La médaille avec Seb

Grand Trail des Templiers

Comment un oubli et une chanson m’ont permis de finir ce Grand Trail des Templiers

Au début de l’année 2022, avec tous les potes de la tente 38 du Marathon des Sables 2021 nous avions décidé de se retrouver sur la course mythique des Templiers, j’avais dit qu’aux vues de la distance et du dénivelé cela risquait d’être un peu juste pour moi au niveau de ma vitesse et des barrières horaires. Sur les 8 de la tente 38, nous étions 5 : François, Stéphane, Nicolas, Sébastien et moi. Avec 2 invités Alexis et Thom (finisheur lui aussi du 35e MDS)

Dimanche 25 octobre 5h15 du matin, j’arrive en voiture avec François à Millau juste à l’heure pour le départ de sa vague, je gare ma voiture et nous filons au départ à 1-1,5km de là. François va partir avec la 2e vague et j’aurai 15 minutes d’avances avant que ma vague, la 3e, ne parte. Je cherche mon téléphone dans mon sac … et je réalise que j’ai laissé mon téléphone dans ma voiture. J’ai d’ailleurs pensé et même dit (François me le confirmera plus tard) « ça serait bête d’oublier mon téléphone dans le coffre de la voiture », c’est ballot mais me voilà sans téléphone. Ma femme, mes parents et tous mes supporters sur WhatsApp vont surement s’inquiéter. Dilemme, est-ce que je retourne jusqu’à la voiture (1,5km environ) pour le récupérer ou je pars sans téléphone et je demande à un coureur de me prêter le sien pour envoyer un sms à ma femme? Je choisis la 2e option, il y a quelques années j’ai bien fait une SaintéLyon sans montre GPS et sans téléphone (congelé), courir sans téléphone devrait donc aller. Ce fût le meilleur choix.

Millau 5h45, km 0, départ de la course

Le départ se passe bien, l’ambiance est magique avec la musique d’Era et les fumigènes, mais ayant oublié mon téléphone je ne peux que vous donner une vidéo trouvée sur YoutTube :

Il ne fait pas trop chaud, je prends ma veste de pluie pour me réchauffer et très vite je me retrouve dans les derniers de la course. J’ai bien essayé de trouver Sébastien et Stéphane, partant dans le même vague que moi, mais ne pouvant les appeler je n’ai pas pu les voir et me voilà seul. Le départ se fait sur une route en faux plat montant. Après quelques km on passe sur un sentier en montée, je monte pour une fois pas trop mal, mais la tête est ailleurs, je n’ai pas trop envie de courir et le moral est dans les chaussettes. Je suis en mode « keskejefoula », il fait nuit et plutôt bon mais je n’ai pas la tête à cela.

La première montée plutôt raide (450m de d+) se passe bien de mémoire, je double quelques personnes, s’en suit un plateau et je recommence à courir, le soleil s’est levé au dessus des nuages et je continue à courir en recherchant Sébastien. Il est plus rapide que moi mais une grosse entorse à la cheville risque de le pénaliser durant la course, par une ou deux fois je crois le voir sur ce plateau, mais en réalité il est encore bien devant.

Quelques kilomètres avant le premier ravitaillement de Peyreleau, un joli bouchon se créé au milieu de la pampa. Ça bouge un peu, mais on reste bloqué au dessus du Tarn. Petit à petit dans le peloton s’en vient la question de la barrière horaire qui est à 9h30. Il est 9h environ, ça commence déjà à se tendre dans le peloton, au détour de notre queuleuleu interminable un bénévole communique avec les organisateurs pour étendre la barrière horaire à Peyrelau. Après une bonne vingtaine de minutes d’attente dans la foret, nous voilà de nouveau en mouvement, mais une bonne vingtaine de minutes de perdues

Peyreleau, 3h36 de course, 22,6km

J’arrive à 9h23, soit 7 minutes avant la barrière horaire, je ne l’avais pas vraiment vu avant le départ cette barrière là, je sens que la pression monte un peu. Je repars aussitôt après avoir rempli mes flasques et pris un ou deux gâteaux.

On longe le bord du Tarn et une belle montée se profile, là je commence à sentir que mes cuisses commencent à souffrir. Dans la montée je croise un couple de coureur, la jeune fille blonde semble en détresse, je les double, ils me doublent. Je ne la sens vraiment pas bien, elle semble avoir les larmes aux yeux, j’essaie de la réconforter avec quelques paroles. Dans la montée, je m’assois pour manger une barre de céréale d’une marque de sport bien connue, une autre coureuse me conseille de ne pas tarder car les serres-fils ne sont pas loin. Je me dis encore!! Comme lors de mes dernières courses, serres-fils me poursuivent, cela devient une habitude, c’est la course aux barrières horaires. Dans les montées je perds du temps et dans les descentes j’en récupère un peu. Je me remets en marche (lente) et sur le plateau. Je croise une dernière fois le couple de coureurs, je crois que la coureuse blonde n’ira pas plus loin que le prochain ravito: crampes? maux de ventre? fatigue extrême? Je sais que tout peu arriver en trail, parfois ça revient, mais quand c’est tendu au niveau des barrières c’est encore plus dur dans la tête pour ne pas lâcher.

Vers le 30e km, je vois une silhouette que je reconnais, une silhouette qui m’a suivi pendant plus de 10km dans les dunes du désert Marocain. Enfin je croise Sébastien qui marche, j’essaie de le réconforter en l’attrapant par l’épaule. Mais il me dit « tout de go » que sa cheville lui fait mal et que pour lui la partie est finie, on marche quelques centaines de mètres ensemble et il me dit de partir. Je suis déçu pour lui qu’il finisse aussi vite, mais il nous avait prévenu que sa cheville n’allait pas vraiment lui faciliter la tache. Il va prendre sa revanche à la SaintéLyon dans quelques semaines.

Le parcours passe un prieuré Templier (celui de Saint-Jean de Balmes), on fait même le détour par l’intérieur du prieuré, un photographe nous attend et immortalise le moment avec une belle photo (que je n’achèterais pas). Petit à petit je me sens mieux, au début je sentais que le moral n’était pas au top et petit à petit avec l’arrivée du jour et du soleil, je me sens de mieux en mieux.

Saint Andrée de Vézines, 6h04 de course, km 34,8

Au ravito suivant, il y a beaucoup de monde, mais pas grand chose à manger, pas grand chose que j’aime en fait. Je suis au pays du roquefort et je n’aime pas cela, je prends quelques biscuits salés, je remplis mes flasques de nouveau et je repars, oui je repars vite car je n’ai aucun message à envoyer, ni de photos à partager. Je suis un peu seul dans cette course aux barrières horaires. Je suis arrivé à 11h52, la barrière était à midi … -8 minutes, la guillotine se rapproche de moi petit à petit, je l’entends qui découpe le chemin au loin.

En repartant je croise un couple de belges qui me dit que la prochaine barrières est à 16h30 au 56e km … en faisant un petit calcul je me dis que ça devrait aller … mais en y réfléchissant un peu plus je m’aperçois qu’il ne faudra pas trainer.

Au 42e km on passe la magnifique Arche de Roquesaltes, j’aurai bien pris une photo … mais on en trouve plein sur internet et oui c’était magnifique, pleins de coureurs s’arrêtent pour prendre des photos … pas moi j’ai une barrière horaire à distancer.

Vers le 44e km je longe une route départementale et le chemin m’emmène directement sur un cirque magnifique, je n’ai toujours pas de photo et j’ai du mal à retrouver l’endroit sur Google Maps, mais l’endroit était vraiment magique, d’après ce que j’ai vu c’était près du prochain ravito La Roque Sainte-Marguerite …

La Roque Sainte-Marguerite, 8h20 de course, km 46

Il est 14h00, il me reste 2h30 pour faire 10km avec surement une grosse montée … ça commence à se tendre vraiment, la barrière horaire à 16h30 va vraiment être limite, mais je suis toujours confiant. Je me pose un peu, je bois et me restaure un peu. C’est un ravito de flotte uniquement, un peu raide quand même, je puise dans mes réserves de barres de céréales mais le gout sucré commence à m’écœurer, j’ai besoin de sel, de pâté, de saucisson ou de comté. Je traverse la petite rivière « la dourbie » et une montée assez raide m’attend. Je fais une pause technique et me revoilà reparti, je regarde petit à petit ma montre et je calcule les barrières horaires … tout semble se tendre de plus en plus, je suis lent très lent trop lent.

Vers le 50e km, une crampe aux cuisses me fait m’arrêter en pleine montée, les muscles tétanisent, je n’ai pas suffisamment manger et/ou bu. Je reprends une barre ou deux et je me refais doubler par un coureur un peu plus âgé que je redoublerai plus tard en descente. Cela commence à ressembler à une fin de course DNF (Did Not Finish ou abandon). A la sortie de la foret je m’approche du ravito, des gens et des bénévoles m’encouragent, les barrières officielles sont dépassées depuis 10 minutes, il est 16h40, j’arrive au ravito, il me semble avoir entendu que les barrières horaires ont été repoussées de 20 minutes, j’ai encore un peu de temps. Mon cerveau en a marre et me dit « Et si je m’arrêtais 10 minutes avant le point de passage, ni-vu ni connu je suis hors délai, je rentre en voiture et basta DNF et l’abandon ! », c’est ce que me dit mon crétin de cerveau depuis un bon moment, en fait depuis presque le début.

La Salvage, 10h57 de course, 56km

Je pointe, à 16h44 soit 6 minutes avant la barrière horaire. J’arrive il y a une ambiance de folie, et je pèse mes mots. Tous les bénévoles et certains coureurs sont en train de danser sur la chanson « C’était Lola », prénom de ma fille. Cela me fait passer à mes filles, ma famille et tous mes supporters qui doivent se dire « mais pourquoi n’envoie-t-il pas de messages? ». J’avoue une petite larme me monte aux yeux. Une bénévole me dit qu’il y a du pain, du pâté, du jambon (le luxe pour moi) mais également de la soupe chaude. Je demande de la soupe et une autre bénévole me demande si j’abandonne ?!?! Je réponds du tac-o-tac « je ne sais pas encore ». En prononçant ces mots, je réalise que je ne suis pas près à rendre les armes, je finis ma soupe. J’avale mon pâté, je remplis mes flasques pendant que les bénévoles continuent leur danse effrénée sur une nouvelle chanson, du Johnny: « Allumer le feu ». Là, Johnny a réveillé le Mr Hyde qui dormait dans Dr Sylvain. Je bascule en mode « Never surrender », je vais la finir votre course, je n’abandonnerai pas il faudra venir me chercher, me disqualifier. Je repars à 16h52, temps de pause de 6 minutes, prêt au combat à affronter la suite et la fin du parcours. Quelques bénévoles m’encouragent en voyant ma tête déterminée d’aller jusqu’au bout de cette course.

Enfin c’est la théorie, je sais que la prochaine barrière n’est pas loin et au vu de mon temps sur le dernier tronçon mes chances de finir la course sont quasi nulles. Mais comme je l’ai décidé au ravito, il faudra venir me chercher aux barrières horaires, je n’abandonnerai pas une 3e fois cette année.

Je continue dans une mini-vallée très encaissée, surement un lit de rivière en contrebas, tous est très boisé et je double 2 coureurs qui me semblent un peu trop lent en descente pour moi. Un peu plus tard ils me repassent devant dans la montée suivante. Et s’en suit un labyrinthe de bois et de sentier sans trop de vue. Je ne me pose pas la question des barrières horaires, je suis au max. Petit à petit les km s’accumulent et le temps passe vite. Il est 18h30 déjà, quelle était la barrière horaire, je crois que c’était la dernière, il me semble qu’un bénévole ou un coureur m’a dit 18h30, je suis dans la pampa, surement hors-délai dans une montée pas très raide sur le flanc d’un massif. Tout au loin, je vois 2 autochtones, j’avance tranquillement au max de mes possibilités, je suis à 64km environ.

L’une des deux personnes me dit « les barrières horaires ont été repoussées de 40 minutes, il vous reste 15 minutes pour le prochain ravito et il se trouve à 5 minutes’. Je pensais que la faucheuse m’attendait d’ici 1 km ou 2, mais elle a été retardée et elle est encore derrière moi. Je réponds et demande « mais c’est la dernière barrière horaire, non? », le bénévole me dit que oui et que nous irons sur l’itinéraire de délestage pour les 10 derniers km. En geste de victoire je brandi une main en l’air, le doigt pointé sur le ciel en signe de victoire, je vais devenir finisher du Grand Trail des Templiers. Je n’y crois pas, après être passé si près de l’abandon à la Salvage me voilà persuadé de finir mon premier Trail de 2022 !!!

Mas de Bru, 13h04 de course, km 65

Je double un autre coureur en lui disant que l’on va finir la course, j’exulte, je suis en transe. Je m’arrête quelques minutes et me revoilà parti dans la pampa Aveyronnaise. Je croise quelques bénévoles qui remontent sur le ravito du Mas du Bru. Le soleil est couchant, la vue est magnifique sur la région de Millau et je m’engouffre dans la foret pour m’enfuir au dernier ravito.

Massebiau, 14h de course, km 71

Il fait bien nuit j’arrive dernier d’une grosse poignée de coureurs, les bénévoles nous font partir sur l’itinéraire de délestage, une partie plate et routière qui longe la rivière Dourbie. Je repars sans trop m’attarder, tous les coureurs restent sur le ravito, je ne sais pas pourquoi et très vite je me retrouve seul dans le noir avec un balisage très très rudimentaire voire inexistant par moment. Après 500m je croise un autre coureur qui se repose en pleine nuit tout feu éteint, puis soudain un deuxième coureur qui surgit dans la nuit me double en courant dans le noir total. Petit à petit, je me rapproche de Millau, bien que je pense à plusieurs moment m’être trompé de chemin. Mais il n’y a pas vraiment d’autre chemin. Pendant mon long périple bitumeux le long de la rivière, je vois au loin sur ma droite une cohorte de frontales en train d’escalader le massif en face de moi, 2 montées très raides juste en face. Voici donc, de loin, ce à quoi j’échappe, d’ici je les plains un peu. Mais mes potes du MDS me diront que ces deux montées sont vraiment infernales c’était presque de l’alpinisme !!

En entrant dans Millau je réalise que je vais passer à 100m de ma voiture, où mon téléphone devrait m’attendre patiemment au fond du coffre, je fais une petit rallonge pour prendre mon téléphone et donner des nouvelles à mes supporters qui ne savent plus vraiment où je suis. Le site me signale encore au 70e km alors qu’il me reste 1,5km tout au plus, je suis au km 78 sur 80.

Millau, 15h06 de course, km 80

A l’arrivée je me perds pour trouver l’entrée … pardon la ligne d’arrivée, j’enjambe la rambarde à 200m de l’arrivée, j’ai l’impression de ne pas avoir vraiment profité de la montée jusqu’à l’arche d’arrivée et j’ai un peu le sentiment de ne pas mériter ma place de finisher, à cause de cet itinéraire de délestage un peu routier. Mais j’arrive en 15h06 réel mais j’écope de 2h de pénalités pour n’avoir pas fini le parcours officiel, mais je suis finisheur des Templiers, ma première course de 2022.

La médaille (en bois) des Templiers

Stéphane, Nicolas, François, Alexis finiront ce magnifique Trail. Stéphane finira par le 2e itinéraire de délestage, il avait une heure d’avance sur moi quand j’ai été dérouté au Mas de Bru sur le premier itinéraire de délestage. Il écopera d’une heure de pénalité, tout calcul fait, il est plus rapide que moi et se retrouve derrière moi au classement, son temps officiel est de 17h52 et moi de 17h06. Leurs calculs de pénalité sont vraiment à revoir, il m’aurait fallu bien 3h minimum pour finir la course et il est vraiment anormal que je sois devant lui.

Un grand merci à tous mes supporters, qui même sans nouvelle de ma part on bien commenté ma course, Matthieu faisant l’animation sur le forum WhatsApp. Les paysages sont vraiment magnifiques, les bénévoles étaient vraiment aux petits soins pour nous et un grand merci à l’organisation d’avoir étendu la barrière horaire de 20 puis 40 minutes, ceci m’a permis de finir cette course mythique. Le fait d’avoir oublier mon téléphone a contribué au succès de la course, quelques photos prises quelques minutes de perdues et j’aurais été hors délai.

Ce fût un vrai plaisir de revoir les potes de la tente 38 du MDS et j’espère bien que l’on va renouveler cela pour 2023

Vues du parcours officiel entre le 70e et le 80e km, photo de François

Mon premier 100 miles: l’Ultra01 d’Oyonnax

Il y a peine un mois je ne finissais pas l’Ultra-trail des Coursières, un abandon surement dû à une petite hypoglycémie. Dans quelques jours je m’apprête à prendre le départ des 170km de l’Ultra01 avec un peu plus de 7500m de dénivelé positif. Je me retrouve comme avant la LyonSaintéLyon, je ne sais pas du tout comment cela va se passer. Je vais aller en Terra Incognita, pas forcement hors de ma zone de confort, mais dans une zone où je ne sais pas comment mon corps va réagir avec ce nouveau défi.

La course en quelques chiffres, ceux qui me hantent:

170: La distance

Cela repousse ma distance maximale en course à pied de quelques 15km, la distance ne me fait pas vraiment peur, c’est plutôt le dénivelé associé.

7500: Le dénivelé

7500m de dénivelé positif, cela dépasse de plus de 50% le plus gros dénivelé auquel j’ai fait face, environ 5000m lors de la X-Traversée et cette course fût vraiment un gros morceau.

2: Les nuits blanches

J’aime beaucoup courir la nuit et je suis habitué avec les SaintéLyon, mais n’étant pas rapide je devrais enchainer 2 nuits blanches. Les hallucinations vont surement se manifester lors de la 2e nuit, comme sur la fin du LGTrail. Comment gérer le manque de sommeil ? Une ou plusieurs micro sieste ? Ou se reposer qu’à la fin ?

42: Le pourcentage de finisseurs en 2021

C’est à dire que sur les 127 partants, en 2021, seuls 53 sont arrivés, c’est vraiment un ultra! Sur la course des 100km de l’Ultra01, le pourcentage de finisseurs est de 81%, l’écart est phénoménal. Est-ce la deuxième nuit? la distance ou le mental qui craquent avant la ligne d’arrivée.
Me voilà prévenu, cela sera bien plus difficile que la plus difficile de mes courses avec 50% d’abandon.
De plus, sans ma catégorie d’âge (M3), 75% des coureurs ont abandonné en 2021. Soyons positifs on est loin de la loi des grands nombres et des statistiques, mais cela va me motiver encore plus pour finir

80 et 125 km: la distance où il y a eu le plus d’abandons

Les plus gros abandons de l’année 2021 ont eu lieu à Valserhone (km 77) et Lélex (km 125), il faudra être fort pour tenir et ne pas déposer les armes aux ravitos. Je devrais être à Valserhone vers 19h et à Lelex en pleine nuit. Autant au 77e km cela devrait aller le je pense que le mental sera là, mais pendant la 2e nuit cela risque d’être très difficile de rester concentré.

44: Le nombre d’heures pour finir

C’est mon estimation de temps de course, si j’ai réussi à contourner tous les autres problèmes: distance, nuits blanches, abandons, manque de sommeil. Sachant que ma course la plus longue est actuellement de 28h environ … l’Ultra01 c’est 50% de plus, un autre monde.

En résumé, je ne sais pas ou je vais mettre les pieds, une chose est sûr ça va être très long, il y aura 2 grosses bosses à passer après Valserhone au km 80 avec 1300m de montée et après Chezery-Forens vers 119e km avec une montée de 1000m de D+.

Si je passe tous ces obstacles, je serai finisseur de mon premier 100 miles … pour moi un autre monde

Trail des Coursières, 7 mai 2022

Il est 3h30 du matin j’arrive à Saint-Martin-en-Haut dans le Rhône, départ de la course, je suis suivi par Christophe un collègue de bureau (bien plus rapide que moi) et je vais rejoindre François un coureur parisien et partenaire de tente du Marathon des Sables, il y a un peu plus de 6 mois. François m’appelle dès que je pose ma voiture et l’on se rejoint à la salle sportive de Saint-Martin. Nous sommes à 20 minutes du départ, je suis plutôt en forme, le mal de tête qui m’a pris hier et ces courbatures ont fini par partir pendant la nuit. Hier, j’avais comme une impression de fatigue, était-ce simplement cela ou le fait que je psychote à cause de cette tique retrouvée sur mon genou dimanche dernier. Ou est-ce encore mon estomac un peu patraque qui me laisse penser à une mini-gastro, mystère!

Saint-Martin-en-Haut, 4h du matin, 0km

Christophe me tend un poing de bon courage pour la course et François décide de me suivre dès le départ, il me dit qu’il part souvent trop vite et que son entrainement n’était pas au top pour cette course. On part ensemble et on commence à discuter d’un peu tout, de la vie de nos courses et de la petite aventure qui lui est arrivé hier en partant de chez lui. Il a a pensé à tout son matériel de trail … à l’exception de son sac de trail. Mais le magasin bleu, à la devise « à fond la forme », trouvé sur son parcours depuis Paris l’a sauvé d’une course sans sac.

J’ai beau essayé de me remémorer quelques faits au départ de la course, mais j’ai peu de souvenirs de ces premiers kilomètres. En fait on a bien papoté avec François, on a bien couru à ma petite vitesse, lui un peu plus rapide en montée moi un peu plus rapide en descente. A chaque fois on se retrouve sur la partie plate du parcours. Je papote un peu avec un autre coureur qui a les mêmes chaussures de trail que moi: des Saucony Pérégrine. Je ne le sens pas très stable en descente, aujourd’hui j’ai pris les Asics Trabuco, pour moi les Trabuco sont « un must imperturbable » en descente et en montée, sur sol sec ou sol mouillé, ils sont forts ces Japonais.

Je me sens plutôt en forme mais je commence à regretter de ne pas avoir pris mes bâtons de trail, pensant que le parcours serait un peu comme une SaintéLyon. Assez rapidement je m’aperçois que les montées sont bien plus raides qu’à la SaintéLyon et les bâtons auraient été bien utiles dans les montées. Mais pour le moment, tout va bien.

Passage par Sainte-Catherine village mythique de la SaintéLyon, un peu avant en pleine nuit, nous sommes passés au Signal (point culminant de la SaintéLyon) et dans l’autre sens, je n’ai pas reconnu l’endroit.

Petit à petit le jour se lève, les couleurs sont magnifiques sur les Monts du Lyonnais.

Chagnon, km27, 3h32 de course

Premier ravitaillement, on a 30 minutes d’avance avant la fermeture de la course, les barrières horaires. Je ne vois aucun balisage ou détecteur de puce-dossard. Je pense que les bénévoles font la relève des dossards avec une application téléphone, ça semble précis et efficace. J’ouvre le réseau de mon téléphone et je vois que Matthieu vient de signaler mon passage sur le groupe WhatsApp de mes supporters, je réponds et envoie un message comme quoi après 27 km tout va bien.

On remonte un peu sur Saint-Christo en Jarez, autre passage de la SaintéLyon, mais on évite la village, mais je ne reconnais pas les chemins, même s’il y a 5 mois je faisais l’aller et le retour de la SaintéLyon, entre hiver et printemps, de jour ou de nuit, les paysages changent énormément.

Vers le 33e km, une petit tendinite sur le genou droit commence à se faire sentir, en quelques kilomètres, la douleur devient de plus en plus vive. Je sais qu’en ultra tout peu arriver, le pire comme le meilleur. Il va falloir serrer les dents, car après quelques temps je commence à toucher le pire. François est toujours avec moi et il sent que je commence vraiment à ralentir. Je lui dis de partir s’il veut accélérer et que pour moi cela va devenir de plus en plus difficile. Pendant les montées, la douleur est absente, par contre en descente ça devient l’enfer, m’empêchant de courir normalement. Bref ça sent l’hôpital et pas vraiment la médaille.

Crêt de Reynaud, km 40, 6h09 de course

On s’arrête de nouveau au ravitaillement, je mange un peu de saucisson, gâteau apéro Tuc, fromage et fruits secs. J’oublie un peu de remplir mes flasques et nous repartons de nouveau ensemble. François me dit que le prochain ravitaillement est au château de Pluvy au km 60, il commence à faire chaud et j’aurai dû remplir mes flasques au maximum. Mais bon il ne devrait pas faire si chaud et je pense que cela devrait le aller jusqu’au prochain ravitaillement.

Petit à petit je m’aperçois qu’il fait encore plus chaud et François me dit qu’il a 500mL en plus dans son nouveau sac, me voilà un peu plus rassuré.

Quelques kilomètres plus tard on fait un petit détour dans la Pampa Lyonnaise, plus aucun panneau de signalisation de course. J’avais prévu le coup et pris le parcours de la course dans ma montre, je l’active et après quelques instants à chercher notre chemin nous voilà de nouveau sur le parcours. Il faut toujours prendre la trace de sa course, ça aide (surtout la tête) à ne pas stresser et à ne pas paniquer. J’ai vu en quelques secondes où l’on était et en 20 secondes nous étions de nouveau sur le trajet.

Vers le 50e km, je manque de tomber en trébuchant sur une pierre, je pars en avant, mais in-extremis je me rattrape sans tomber. Effet placébo ou ré-emboitage de mon genou lors cette brusque accélération des jambes, mon genou me fait moins souffrir. Le corps humain est quand même bizarre voire étrange, non? Après cet événement je n’aurai plus de souffrance de mon genou, mais une petite gêne.

En arrivant proche d’un village je m’arrête dans un cimetière pour remplir de nouveau mes flasques, heureusement car il commence vraiment à faire chaud, me voilà au top prêt pour arriver au prochain ravito.

Petit à petit le prochain ravitaillement se laisse entrevoir au loin, le village de Saint Symphorien sur Coise trône au milieu des Monts de Lyonnais avec le château de Pluvy, lieu du prochain ravito. Mes parents vont me rejoindre, le village est sommet d’une petit bute, je n’en fini pas de monter pour rejoindre ce prochain point de passage. Au loin (400m environ) sous l’arche je reconnais mes parents qui m’attendent et doivent commencer à s’inquiéter.

Château de Pluvy, km 60, 13h54 de course

Je suis à 33 minutes de l’élimination, François est arrivé depuis environs 15 minutes, je me restaure je remplis mes gourdes à fond (je ne vais pas refaire la même erreur deux fois de suite), je mange bien. Mon genou semble aller mieux. Je suis un peu pressé de repartir, François traine un peu, j’embrasse mes parents et nous revoilà partis. Encore des montées bien casses-pattes et des petits descentes. Lors d’une montée je vois François s’envoler, je ne peux pas le suivre, peut-être je vais le récupérer en redescendant. Mais non, l’avenir me démontrera que non. Je commence à fatiguer, je passe un étang magnifique (surnommé le lac majeur, hélas je n’ai pas pris de photo). S’en suit une belle descente sur du goudron et un virage sur la droite … d’un coup je sens un coup de fatigue, je marche un peu, je discute avec un coureur, je mets mes mains sur la hanches et là … je sens que la petit montée va être compliquée … « surtout que les serres-file sont là » me dit le coureur !!!

Je ne comprends pas vraiment, le temps s’est-il accéléré? Comment les serres-fils peuvent-ils être déjà là. Pression des serres-files? Ou rupture totale dans ma filière énergétique? Mais plus rien, plus d’énergie, je suis « out », je me sens vidé, les piles à plat, impossible de mettre un pied devant l’autre. Pas vraiment de douleurs aux jambes, pas d’essoufflement, mais impossible d’aligner 2 pas sans m’arrêter. Il va s’en suivre mon record de lenteur, je vais mettre 44 minutes pour faire 1km (et 120m de dénivelé quand même), les gentils serres-files me disent que là, à 300m c’est la route et qu’une voiture viendra me chercher, je marche 3 mètres et je me rassieds de nouveau, je suis vidé, vraiment kaput.

Les serres-files sont super sympas et vont m’attendre jusqu’au moment où je mettrai un pied sur le goudron et ou un bénévole viendra me chercher en voiture, même si le ravito est à 1000m de mon abandon, je suis incapable de revenir à pied. Le plus drôle dans cet abandon est que les serres-files m’ont laissé au lieu dit « le glas« , ça ne s’invente pas. C’est le point idéal pour abandonner, n’est-ce pas? J’aurai donc fait 72km avant mon abandon au « glas ». Après 30 minutes d’attente, le bénévole qui viendra me chercher n’est rien de moins que le directeur de la course, il sera super sympa et me ramènera à Saint-Martin-en-Haut.

Mes parents reviendront me voir, à peine 2h après mon abandon je me sentais bien et je pouvais les suivre sur la petite montée pour revenir à ma voiture, j’étais prêt à repartir pour 10 ou 20km. En revenant chez moi près de Genève, soit environ 2h de voiture, je n’ai pas ressenti de fatigue ni de sommeil. La semaine après, j’ai pu recourir le mercredi, le jeudi avec quelques douleurs aux jambes mais aux vus des 72km de la course, je me trouvais plutôt en forme.

Christophe finira en un peu moins de 16h et François ne me voyant plus à décider de finir seul et il a très bien fait. Il finira à quelques minutes de la barrière horaire (9 minutes exactement), quel courage de ne pas avoir lâché et surtout bravo pour la qualification pour la Western State en Californie!!

Un grand merci aux organisateurs de la course, aux bénévoles et surtout au directeur de la course qui m’a ramené à bon port. Un grand merci à mes supporters et amis sur WhatsApp, cela m’aide beaucoup, ça me booste, mais aujourd’hui rien n’aurait pu me faire avancer un mètre de plus. J’ai dû faire une mini hypoglycémie, c’est dommage j’avais 4 gels « coup de fouets » dans mon sac, mais jamais je n’ai pensé à les prendre. Rétrospectivement j’essayerai si cela m’arrive de nouveau maintenant que je sais ce que c’est !

La LyonSaintéLyon

Il y a quelques années, j’avais fait une blague de 1er avril en disant que j’allais participer à la 180 (ancêtre de la LyonSaintéLyon). Plusieurs amis étaient tombés dans le panneau et m’avaient cru. Mais j’avoue qu’en avril 2020 je ne sais pas vraiment ce qui m’a poussé à faire cette course. Partir de l’arrivée de la SaintéLyon à Lyon, arriver au départ à Saint-Etienne pour prendre le départ de la SaintéLyon officielle avec tous les autres coureurs. Cela n’a pas vraiment de sens (humour). Le seul avantage est de voir le parcours des Monts du Lyonnais le jour et dans l’autre sens, cette année ça sera sans la neige et le verglas pour cet aller. La totalité de la course fait 156km et 4600m de dénivelé, une distance que je n’ai jamais courue ça sera un défi de finir cette course.

Mon entrainement n’est pas au mieux, le retour du Marathon des Sables n’a pas été sans heurts. Mes tendons d’Achille ont bien soufferts et une plaie sur le tendon gauche, mal soignée est restée assez longtemps. À 2 semaines de la course, ma plus grosse sortie était de 19km avec 950m de dénivelé, et aussi un 23km une semaine avant la course. Je n’avais pas vraiment enchainé les kilomètres dans le mois précédent (139km au lieu de 280-300 normalement) et surtout dans la dernière semaine, des douleurs aux cuisses étaient venues me perturber me laissant penser que cette LyonSaintéLyon (156km) avait toutes les chances de finir au mieux à Saint-Etienne (après 78km) au pire à Sainte-Catherine (à l’aller également après 46km). J’estimais mes chances de finir cette course à peu près à 20 ou 30%. Je partais dans l’inconnu, mais avec un joker de taille: le Marathon des Sables qui m’avait permis d’engendrer pas mal de km en marchant (235km) un mois et demi avant

Pour tester ma vitesse j’avais essayé de faire un parcours identique (en distance et en dénivelé) au premier tronçon Lyon-Soucieux. Le site livetrail.net estimait mon temps à 2h48 pour 23km de distance et 400m de D+. Ce test c’était révélé plutôt mauvais et je pensais plutôt partir plus prudemment sur un temps 3h-3h20 pour ce premier ravito, les voyants étaient plutôt à l’orange

Salle Tony Garnier, Lyon, 7h-7h30

Je suis là, mais pas vraiment stressé, je vais faire avec ce que j’ai, jusqu’où je pourrai et je ne sais pas du tout comment vont se passer les prochaines 12, 24 ou 30 heures. Je suis dans l’inconnu total, mais vraiment pas stressé par la course. Simon un ami de Cop’Ain de Trail s’est inscrit aussi sur ce défi fou de la LyonSaintéLyon mais semble bien plus rapide que moi. Je lui ai dit que je partirai très lentement et s’il veut finir, en accélérant cela ne me dérange pas. On se retrouve à la Halle Tony Garnier en attendant le départ, j’aperçois au loin Casquette Verte (le tenant du titre 2019 et futur nouveau vainqueur de l’édition 2021) il fait pleins de selfies et semble lui aussi très calme.

Cette fois-ci, je m’hydrate bien avant de partir pour éviter les crampes après 20km comme à la CCC. Le départ est donné avec quelques minutes de retard et nous voilà parti pour 78km à une allure de sénateur pour rejoindre ma ville natale Saint-Etienne.

On passe le pont Raymond Barre et on file sur le pont de la Mulatière sous les clameurs des klaxonnes, on continue sur les fameux escaliers du grapillon, mais ce matin en montée. Je suis tous les coureurs, mais déjà les plus rapides sont partis loin devant. Au km 2-3 mon pote d’enfance Grégo est toujours là, il va faire la SaintéLyon (11e participation) ce soir, mais il est là pour m’encourager pour l’aller et je suis sûr qu’il y sera au retour … enfin si j’arrive jusque là. Passage des aqueducs de Beaunant, une pote de Simon nous suit à vélo, c’est amusant de faire le chemin à l’envers, je reconnais tous les endroits sans problème.

Il fait un temps magnifique, le ciel est d’un grand bleu et peu de nuages à l’horizon, j’ai dû mal à réaliser que la météo annonce de la neige pour ce soir. Simon est toujours avec moi, il me dit que je ne suis pas trop lent et pense bien rester avec moi un moment.

Sur le chemin on achète pas du terrain mais pas loin, Simon et moi regardons les magnifiques maisons de la banlieue lyonnaise. On prend notre temps et je suis en mode sénateur, courir lentement sans trop pousser, j’adore cette sensation de pouvoir courir des dizaines de kilomètres. Je ne regarde pas trop mon allure ni le temps et nous voici déjà au premier ravitaillement.

Soucieux en Jarest, km 21.3km, 2h47m de course

Je pensais arriver après 3h20 de course, me voilà arriver au premier ravitaillement exactement à l’heure précise prévue par le site livetrail.net. J’aimerai bien savoir comment ils font pour être aussi précis, ou comment fais-je pour être aussi précis. Hélas mon temps d’arriver à Saint-Etienne est en 13h15, ça risque d’être juste pour la suite, je ne connais plus les autres temps de passages aux autres ravitos, mais tant que les jambes vont bien c’est l’essentiel. Avec Simon nous continuons ensemble, la partie la plus dure arrive avec la montée au Signal, le point culminant de la course. Le temps est toujours magnifique, je perds un peu Simon vers le 30e km pour une envie pressante, ensuite je continue tranquillement jusqu’au Signal.

Le signal point culminant de la course

Là je prends une belle photo … mince mon téléphone était en mode « appareil photo » et la batterie s’est déchargée, il ne me reste que 20% de batterie, heureusement j’ai ma batterie de recharge dans mon sac à Saint-Etienne. Les jambes sont vraiment bien, pour le moment aucune douleur dans les quadriceps, je continue à faire mon chemin à travers la campagne lyonnaise. Mes parents viendront me voir à Saint-Catherine, je les préviens que je suis plutôt en avance sur l’horaire prévue.

Saint-Catherine, km 45, 6h57 de course

J’arrive sur l’étang de Sainte-Catherine, je continue à courir et j’aperçois mon père qui vient juste d’arriver. On rejoint ma mère qui me cherchait dans la tente du ravito, je mange et bois un peu. Ça me fait très plaisir de les voir, je ne pourrai pas venir chez eux à Saint-Etienne pour me reposer, je n’en n’aurai pas le temps. Simon nous rejoint aussi, nous discutons un peu et vraiment je me sens très bien pour la suite, même surpris de voir mes jambes au top.
Simon et moi repartons, nous faisons la fameuse descente sur Ste-Catherine en sens inverse cela change un peu et nous continuons. Je ne rappelle plus vraiment à quel moment mais Simon me dit qu’il va essayer d’accélérer un peu, je le comprends et me voilà seul avec quelques coureurs devant et derrière moi. Un peu plus tard sur un petit passage de col, je mets ma frontale sur le front, cela serait dommage de tomber à cause de la nuit avec une frontale dans le sac. Un peu avant d’arriver sur Saint-Christo (dernier ravito de l’aller) je croise une femme qui court en sens inverse, un concurrent m’a dit avant Sainte-Catherine que sa femme le rejoignait un peu avant St-Christo pour faire le retour avec lui et faire un 100km dans les Monts du Lyonnais.

Saint-Christo en Jarez, km 59, 9h28 de course

Ambiance un peu fin du monde, pas grand monde dans le ravito, les bénévoles sont au petits soins pour nous. Il fait vraiment nuit maintenant il est 18h30 et il commence vraiment à faire froid. En fait, à chaque SaintéLyon il fait un froid de canard à St-Christo, du vent glacial nous prend. Je repars, dans la montée pour ressortir de St-Christo, le vent s’engouffre encore plus dans ma veste, j’ai froid. Mes mains ont gonflé pendant la course et mes gants un peu justes sont encore plus petits. Il me faut plusieurs minutes pour les enlever et les remettre. Tous mes supporters sur WhatsApp sont bien là, mais avec ma batterie en berne difficile de dire grand chose de peur de ne plus avoir de batterie du tout.

Petit à petit j’arrive dans ma région natale, j’arrive sur Sorbiers, je reconnais le rond-point des précédentes SaintéLyon. Mes jambes sont toujours au top, je suis en forme pour ne pas trop penser au retour. La neige s’invite, des gros flocons bien épais et cotonneux. Je suis tout seul mes lunettes me gênent pour bien voir, je continue en voyant à peine à quelques mètres de moi, c’est un déluge, le sol devient blanc et glissant.

Ça y est, Saint-Jean Bonnefond, je rentre dans la banlieue de Saint-Etienne, la neige toujours et encore plus épaisse, il faisait tellement beau ce matin. Je passe à coté du stade Méons (où j’allais courir avec mon père,) je passe sous l’autoroute. Je suis les panneaux de la course ça y est l’arche de départ de la SaintéLyon est en vue … encore quelques mètres. Un bénévole me dit de bien passer sous l’arche pour que le système valide mon passage. Je crie victoire, les bras en l’air, je n’aurai jamais penser arriver à Saint-Etienne aussi frais avec un temps pareil: 12h31 soit 40 minutes d’avance sur l’estimation de livetrail, je suis aux anges (forcement verts).

Saint-Etienne, km 78, 12h31 de course

J’arrive sans peine jusqu’à la base vie de Saint-Etienne, les autres coureurs de la SaintéLyon sont dans les starting-blocks: Matthieu, Mikaela, Alain et tous mes supporters me félicitent. Matthieu veut savoir ou je suis et j’avoue que j’ai faim et j’ai envie de me reposer. Nous avons accès à une salle particulière sans trop de coureurs, j’en profite. Je retrouve Simon qui a fini en 12h00 environs. Je recharge mon téléphone, ma montre et je file manger des pâtes sans sauce, pas le grand repas mais ça ira pour repartir. Je suis relativement frais, les jambes sont un peu fatiguées mais je pourrai repartir sans problème, maintenant il faut faire une SaintéLyon …

Base vie de la LyonSaintéLyon à Saint-Etienne

Le 2e départ, Saint-Etienne, 78km

Il neige encore à gros flocons, c’est ma première SaintéLyon avec une départ sous de gros flocons, j’ai eu presque tous les temps, mais jamais de la neige qui tombe au départ. Simon est avec moi dans le premier SAS, celui des élites, ceux qui vont partir à 15km/h et nous à 10km/h, on va se faire marcher dessus. Premier reflex, se mettre sur le côté et attendre que les furies partent et nous laisser le champs libre, nous les jaunes, les gilets jaunes ou plutôt les chasubles jaunes de la LyonSaintéLyon. En fait tous les coureurs de la SaintéLyon ont une chasuble blanche et nous les fous qui faisons l’aller-retour nous avons un signe bien distinctif, une chasuble bien jaune, j’ai mis la mienne en évidence pour me faire remarquer mais surtout pour ne pas me faire engueuler par les autres coureur, nous ne faisons pas dans la même course.
Le départ est donné, les furies partent et comme prévu avec Simon nous les laissons partir en nous mettant de côté, je perds très vite de vu Simon dans le flot de coureurs et je me retrouve aussi très vite en queue de peloton de la première vague avec quelques « jaunes ». J’alterne la course et la marche, les jambes sont encore bien mais courir trop longtemps me tiraille un peu les quadriceps et il reste encore 78km pour finir ce retour.
Très vite la 2e vague, partie 10 ou 15 minutes après nous, me dépasse et ainsi de suite pour les autres vagues au fil des km. Je crois que dans la montée pour quitter Saint-Etienne, j’entends Matthieu qui m’interpelle. C’est sa première SaintéLyon, il est frais et reste quelques centaines de mètres avec moi, ensuite il file dans le flot de coureurs. Ça m’a fait plaisir de l’apercevoir, mon gilet jaune bien en évidence n’aura pas été vain.
Je sympathise avec un italien, Riccardo, qui lui aussi fait la LyonSaintéLyon. Il semble être déjà dans le dur, une douleur au genou, mais comme les italiens il est de bonne humeur. On se suit un peu.

Des dizaines voire un bonne centaine de coureurs sont venus me voir pour m’encourager pour cet « aller-retour », il y a 2 ans, lors de la première LSL, j’étais venu voir quelques coureurs de la LSL pour les encourager. Mais tous ces coureurs ont été super gentils avec moi (nous), m’encourageant, ou simplement me demandant ce qu’était cette chasuble « jaune ». Certains furent un peu estomaqués du défi, d’autres complément admiratifs, en tous les cas tous leurs encouragements ont été moteur pour finir cette course.

Petit à petit, j’arrive sur Saint-Christo, le froid se fait de nouveau ressentir, comme à l’aller. Le moral est encore bon, les jambes aussi.

Saint-Christo en Jarez, 95km, 15h42 de course

Me revoilà au premier ravito de la SaintéLyon, j’y étais il y a quelques heures. Il fait vraiment froid et cette année le ravito n’est vraiment pas couvert comme les autres années, en plus, avec le monde je reste dehors. J’envoie quelques messages à mes supporters sur WhatsApp mais ils commencent tous à dormir il est 3h du mat. Je repars, la nuit va être longue, mais je commence déjà à la trouver très longue. Je continue mon chemin et en approchant du milieu du parcours entre ces 2 ravitos, le cerveau commence à dériver. Je suis ronchon, j’en ai marre, plus de 16 ou 17h que je coure, mon cerveau me joue des tours et me dit de tout arrêter au prochain ravito à Sainte-Catherine. J’ai fait ce que je pensais faire, c’est à dire arriver à Saint-Etienne et repartir; le reste n’est pas très important, je viens de passer les 100km, que je n’ai rien à prouver bref je suis dans le dur.
J’avais prévu le coup, avant de partir j’avais regardé où les coureurs abandonnaient le plus sur la LSL: c’est à Sainte-Catherine. Donc il faut que je passe ce ravito et ensuite statistiquement j’aurai moins de malchance d’abandonner. En plus, j’ai froid aux oreilles ça me mine énormément, mais j’ai la flemme de trouver et prendre mon bonnet dans mon sac. Alors je continue vaille que vaille, dans le froid en attendant que ce bas passe.
En plus, le sol est bien gelé, quelle différence avec l’aller lorsqu’il faisait beau et que les appuis étaient très stables, de plus mes Saucony sont vraiment instables sur sol mouillé alors sur sol enneigé c’est 10 fois pire. Mais je continue.

Sainte-Catherine, 109km, 19h20 de course

Cet arrêt me fait, du bien, je prends le temps de prendre mon bonnet que je mets sur ma tête et sur mes oreilles. Cela me réchauffe d’un coup et le moral repart à la hausse, le bonheur tient à peu de choses. Je me rappelle, le petit lac après le ravito. Il fait froid et je commence à être fatigué, je marche je cours et petit à petit mon corps s’endort … mais je continue à marcher. Une sorte de blizzard m’entoure, on se perd avec d’autres coureurs, je leur indique le chemin qui se trouve sur ma montre. La fatigue me reprend et je commence à m’endormir, sur un petit col, j’aperçois un vague lueur a travers le vent, les flocons et la neige. Je suis la forme, elle bouge, c’est un coureur ma vision se rétrécit, je ne vois plus grand chose, je m’endors de plus en plus. Un peu après je vois, une baffle dans la nuit, une de ces baffles de sono de toutes les couleurs, elle a dû être posée là pour l’animation, mais le gros du peloton étant passé et il n’y a plus rien, plus personne. Je lutte pour ne pas m’endormir comme au Marathon des Sables je suis dans cette phase dont on ne peut pas sortir seul, je suis défait et je m’endors. Impossible de m’arrêter dans ce blizzard ce froid et cette neige, je suis un mort vivant. D’un coup un ombre apparait et de la musique sort de la baffle … ça me réveille aussitôt. Un piqure d’adrénaline et un réveil brutal au milieu de pampa lyonnaise, mais me voila de nouveau en course. Je me remets à courir et j’ai laissé Morphée sur place.

Arrivée à Sainte-Catherine je cours encore un peu

Dans un Ultra il y a des bas et des hauts, mais quelques kilomètres après ce bas, j’ai vécu un moment extraordinaire, l’adrénaline a dû mettre du temps à faire son effet. Mais je glissais, je suis tombé au moins 10 fois, mais quelques kilomètres après le début du jour, j’arrive en approche près du Signal. D’un coup mes jambes s’en vont, je cours comme un lapin, je ne glisse plus, je donne des conseils aux autres coureurs pour ne pas tomber et pour bien mettre leur couverture de survie. Je double quelques coureurs, mes jambes ne me font vraiment plus mal et je cavale tel un lapin. Ce petit bout de très haut était vraiment fun, pas une glissade j’étais sur un nuage mais hélas petit à petit je suis redevenu moi.

Un peu plus tard retour à la réalité, j’arrive au Signal, la descente me fait peur car hier dans l’autre sens la montée était un peu raide. Cela passe pas trop mal, mais je m’aperçois que je suis très très lent, je n’ai jamais vu le jour au Signal, toujours à Soucieux (dans 2 ravito) ou au pire à Saint-Genou (prochain ravito). Le moral en prend un coup, je suis très lent.

Saint-Genou, km 122, 21h52

J’arrive je suis un peu cuit, mais encore battant. J’entends que la barrière horaire est à 45 minutes environs, je n’ai que 3/4 d’heure d’avance sur les derniers de la course, après ils arrêtent les coureurs trop lents. Je ne pensais pas être aussi proche, mais c’est ce que j’avais vu dans les estimations de livetrail, le moral en prend un coup, mais les jambes vont bien je continue. Alternance de course et marche, glissade sur caillou et route bitumée.
Des coureurs continuent à venir me féliciter pour mon gilet jaune, je leur dis que je commence à fatiguer, je croise aussi quelques autres gilets jaunes.

A 1 km de Soucieux, je parle avec un coureur de la LSL, il me dit que pour lui c’est fini: il abandonne la course. Je lui demande pourquoi et me répond qu’il a mal au dos et que la barrière horaire à Soucieux est à 11h du matin. Je regarde ma montre: 10h47 ?!?! Je marche et cours à 10min/km, je prends mes jambes à mon coup, et je cours le plus vite que je peux sur le bitume de Soucieux. Je reconnais le ravito, ça y est je passe la borne à 10h56 et je regarde autour de moi, personne nous interpelle concernant la barrière horaire … bizarre …

Soucieux, km 133, 23h55 de course

Je commence à manger et à boire et je demande à un bénévole la barrière horaire, il est juste 11h. Il me répond 11h 3/4. J’ai un peu du mal à comprendre après 24h de course, je lui réponds « 11h45 ? », il me répond « bien entendu ». Me voilà rassuré, je m’assois un peu je mange, j’écris à mes supporters que je suis toujours en course et je repars …
En repartant du ravito, les jambes qui pouvaient courir il y a 10 minutes, me font un mal terrible, je commence à réaliser que je vais terminer cette course, les larmes me montent aux yeux. Est-ce la douleur qui me fait pleurer ou de réaliser que je vais finir une course que je ne pensais pas du tout finir? Je ne sais pas, mais je grimace en essayant de repartir de Soucieux, la petite pause assise a détruit ce qui me restait de muscles dans les jambes, je ne peux plus courir.

Pas la joie sur le visage, mais heureux d’arriver à Soucieux

Chaponost, km 142, 25h47 de course

Je repasse tous les magnifiques villages que l’on a croisé hier matin, j’arrive à Chaponost dernier ravito avant l’arrivée. Cette année on passe une longue ligne droite pour aller dans un gymnase. J’arrive souriant, je prends une soupe chaude et de quoi manger et boire. Je n’ai pas couru depuis Soucieux, je marche, les douleurs dans les quadriceps sont beaucoup trop intenses pour courir. Je croise quelques YouTubeurs qui ont du mal à finir leur SaintéLyon, je discute avec eux.

No surrender à Chaponost

Je repasse les Aqueducs de Beaunant, c’est dur mais heureusement pas trop long, je me repose dans la montée, mais c’est bientôt fini. Mon pote Grégo sera surement là. J’ai la flemme de sortir mon téléphone, il doit m’attendre depuis un moment, il a quand même fini sa SaintéLyon, et effectivement juste avant les escaliers du grapillon, Grégo est là je le reconnais. Je lance un poing victorieux il a du mal à me reconnaitre. Je continue en marchant toujours impossible de courir, je descends les escaliers sans trop de casse, je rejoins les Youtubeurs qui ont pas mal. Je passe le pont de la mulatière, le pont Raymond Barre, il reste 1km. Je commence à réaliser que je vais vraiment finir cette course, cette Ultra dépassant ma plus longue sortie et ma plus grand distance en course.

Lyon, km 154, 28h39 de course

Mes parents sont là aussi, un moment qu’ils se gèlent dehors, je les embrasse et je repars pour finir cette LyonSaintéLyon toujours en marchant. Encore quelques centaines de mètres, dizaines, je vois l’entrée de la Halle Tony Garnier, j’y rentre victorieux. Je n’ai jamais été aussi fier de finir une course, avec mon entrainement je la croyais vraiment hors de portée. Je passe l’arche en levant les bras et le speaker de la SaintéLyon me félicite. C’est fini, enfin!

Je finis donc le retour en 16h08 ce qui fera un aller retour en 28h39. Le site livetrail m’avait donné plus de 30h30 je crois.
Simon finir son retour en 11h45, soit moins de temps qu’à aller, donc une très très bonne gestion de course
Matthieu finira sa première SaintéLyon en 11h26, il aura quelques problème après le 50e km.
Grégo finira dans les starting blocks en 8h50

Marathon des Sables 2021

18 mois que j’attendais cette course, 18 mois que mon sac était prêt et moi aussi. La course avait été une première fois reportée, du mois d’avril 2020 au mois d’octobre, puis encore reportée au mois d’avril 2021 et encore une fois reportée au mois d’octobre 2021.
Enfin la promesse du désert Marocain se profilait, enfin j’allais pouvoir faire cette grande traversée en 6 étapes entre les provinces d’Errachidia et de Ouarzazate. Le Marathon des Sables est connue pour être une course difficile, certains disent « LA » course la plus difficile du monde. D’autres disent que d’autres le sont bien plus: le TOR des Géants, la Bad Water, la Barclay. Un concurrent du Half Marathon des Sables (HMDS) m’avait dit en 2018, que le HMDS n’était pas deux fois moins dur que le Marathon des Sables (MDS) mais simplement deux fois moins long.
Je m’attendais à une course rude dans des conditions difficiles et chaudes, mais je ne m’attendais pas à ce que j’ai vécu dans ce désert Marocain, chaque étape/jour fût un défi

1er octobre: arrivée au bivouac vérification des sacs et remise des dossards

Nous sortons de l’avion à Errachidia, un aéroport minuscule au bout d’une piste plantée au milieu du désert. Les militaires s’agitent à notre arrivée ainsi que des hommes en blouses blanches, ils sont là pour vaguement vérifier notre passe sanitaire ou notre test PCR. Cela ressemblera plutôt à une passoire sanitaire où le test des QR codes se fait sous un œil pas très incisif et sans application informatique. Le directeur de course Patrick Bauer, nous accueille comme des amis pour participer à cette 35e édition. 1h30 de bus plus tard, nous voilà débarquant avec nos valises et sacs dans le bivouac du Marathon des Sables: tentes berbères, tapis à même le sol pour seul confort. Le reste doit être dans notre sac à dos, le décor est planté, nous voilà au cœur du MDS.

Mon pote Alain est bien sûr de la partie et nous faisons la connaissance des autres colocataires de notre luxueuse tente (la 38): Sébastien, Frédéric, Stéphane, Nicolas, Laurent et François. Sébastien pour briser la glace a apporté un Brie et une bière qui nous réconfortent bien et permet de bien briser la glace dans ce désert.

2 octobre: vérification des sac et remise des dossards

Les 2 premiers jours le petit déjeuner, le repas et le diner sont pris en charge par l’organisation. On mange comme des rois, que des plats locaux, un régal. Dans la journée tous les coureurs passent à la vérification et le pesage du sac ainsi que les vérifications médicales.
Mon sac pèse officiellement 8,03kg, mais mon ECG n’est pas validé, la date n’est pas correcte. Petit coup de stress, mon médecin n’ayant pas signé avec la date du jour mon ECG, il est donc refusé. J’en refais un autre chez les Doctrotters (médecins bénévoles du MDS), je perds quelques minutes et me voilà prêt comme tout le reste de la tente 38 pour en découdre avec le mythique Marathon des Sables.

Etape 1: 32,2 km, la traversée du désert

J’ai très mal dormi, notre tente étant traversante et une nuit venteuse n’a pas arrêté de me réveiller, j’avais peur que mes affaires s’envolent. Le chaud, le froid dans le duvet ne m’ont pas laissé dans les bras de morflée assez longtemps. De plus se coucher vers 20h n’est pas vraiment dans mes habitudes, je me suis réveillé à plusieurs reprises: vers minuit, 2h du matin et surement encore un peu plus tard. Vers 6h du matin tout le bivouac se réveille pour se préparer au premier départ, enfin.

Vers 9h, nous voilà au départ, les 680 coureurs sont prêts à en découdre avec le désert, la mythique musique du Marathon des Sables retenti enfin: « Highway to Hell » du groupe AC/DC. Nous sommes tous surexcités et dans les starting-blocks, tels des champions de Formule 1 sur une grille départ, on fume, on fulmine, on est prêt.

Patrick Bauer (le directeur de course) donne le départ, ça y est tout le monde part dans la musique infernal d’AC/DC. Alain un peu devant moi part, je cours, un peu, pas trop vite. D’abord quelques dunettes et ensuite les 32km du parcours. Très vite je m’aperçois que mon sac ventral me cause quelques soucis, la bouteille de 1,5L ballote un peu et les sangles que j’ai installé ne tiennent pas vraiment. Que cela ne tienne, j’ai un plan B: je peux faire passer les sangles de mon sac ventral derrière mon cou et l’attacher pour faire un boucle sur l’arrière de mon sac. Je n’y arrive pas bien, une Anglaise m’aide pour faire la boucle dans mon dos. Ça y est tout est bien fixé, je cours pour rejoindre Alain.

Mais que se passe-t-il? Je sens que la machine s’emballe, un sentiment bizarre, j’ai l’impression d’être dans ma zone de seuil au niveau cardiaque. Je rejoins petit à petit Alain, je m’accroche. Bizarre tout semble se déliter, mes forces m’abandonnent. Je suis dans le rouge, est-ce la chaleur ? Le stress de cette course mythique ? Alain file devant, une petite montée, je me traine, Alain s’éloigne encore un peu. Tout le monde me double, mais que m’arrive-t-il ? Rien, je ne comprends rien, je marche à 2km/h et encore, les marcheurs et marcheuses me doublent. J’ai l’impression que je m’éteins. Je me dis que 250km dans cette zone rouge est impossible, je n’ai pas fait 10km que tout s’assombrit. Je vois déjà les sirènes bleues de l’abandon (la médaille ou l’hôpital) me tourner autour.

J’arrive au premier ravito, je vois Alain qui redémarre et repart pour le ravito 2. Je prends mes bouteilles d’eau et je repars comme un zombie. Je suis exténué, je n’en peux plus, je suffoque, je ralenti encore. Alors en plein milieu du désert, je décide de m’arrêter, je n’en peux plus. Je lâche mon sac, je m’arrête, je ne peux plus avancer …

Et soudain je sens qu’une valve s’ouvre: de l’oxygène, du sang, de la force se libère comme si un bouchon coinçait tout le système, un vent de fraicheur me fait repartir. La boucle faite par mon sac ventral derrière mon cou devait faire pression sur un veine ou une artère, je ne sais pas. Mais en remettant mon sac comme au départ je me sens repartir. Je remarche, je recours, je survis, je suis de retour dans le MDS. Hélas, ces 10-12km à l’agonie m’ont fait monter dans les tours et j’ai dû engendrer beaucoup de lactates, je le sens: je suis fatigué, mais rassuré je pourrai au moins finir cette étape.

Vers le 20e km, une longue ligne droite, ma fatigue me tiraille, je m’assieds une ou deux fois. Je referme mal mes bouteilles d’eau et par 2 fois je renverse ma précieuse eau dans le désert. Il reste 2 ou 3km, je vois l’arrivée et maintenant mon niveau d’eau est à 0, je n’ai plus rien, je suis à sec. Je demande un peu d’eau à un couple de coureurs Suisses, le mari se précipite et me donne une bonne demi gourde d’eau (400ml). Pour moi cette eau c’est de l’or dans ce désert. Mon royaume pour un demi-litre d’eau. Je finis avec peine cette première étape, fatigué comme jamais, mais heureux d’avoir trouvé le problème de mon sac et d’avoir trouvé deux Saint-Bernard (Suisses) dans le désert. Alain s’en veut de m’avoir laisser seul, il n’y est pour rien, je n’ai pas testé mon sac dans la configuration course qui a faillit me faire abandonner dans les 10 premiers km, quel idiot je fais.

Toute la tente 38 finira, plus ou moins bien cette première journée, je crois que 2 ou 3 d’entre nous finiront chez les Doc-trotters. Mais tout le monde sera partant pour la 2e étape.

Etape 2: 32,5km, L’enfer des Dunes

J’ai encore très mal dormi après la première étape, j’ai été réveillé 3 ou 4 fois. Le vent n’a pas arrêté de s’engouffrer dans notre tente. J’ai encore mal rangé mes affaires et j’avais peur qu’elles ne s’envolent, j’ai calé mes habits entre mon sac de couchage et mon sac à dos, j’ai très peu dormi et ce matin je risque de le payer cher.

Au départ nous sommes tous prêt au départ. Patrick Bauer annonce une journée très très chaude (d’après certains il fera plus de 56°C). Patrick nous rappelle de bien prendre toutes les bouteilles d’eau et de prendre nos pastilles de sels. Il nous annonce déjà un grand nombre d’abandons: 56. Ce qui représente déjà le taux habituel d’abandons pour tout un MDS des années précédentes.

Le départ est donné, Patrick et son acolyte sont à fond sur la musique d’AC/DC et nous aussi. Je redoute vraiment ces fameuses dunes entre le ravito 1 et 2 (ou CP1 et CP2).

On passe le petit village Tisserdime, comme hier des gamins nous accompagnent et nous demandent des bonbons ou un peu d’eau. Hier avant de perdre toute mon eau j’ai donné un peu d’eau à des petites filles sur le longue ligne droite avant l’arrivée.

Je crois qu’Alain arrive le premier au ravito 1 (CP1) et l’on repart ensemble pour affronter ces dunes, ces fameuses dunes dont j’ai si souvent entendu parler. Les paysages sont magnifiques, malheureusement ma GoPro avait l’écran sale et les photos et vidéos rendent très mal la beauté de ce site. Par contre la difficulté je m’en rappelle bien: 13km de dunes, à monter et descendre et à s’enfoncer dans le désert par des températures réellement infernales ! Je repars en tête du CP1 Alain est juste derrière moi. On recroise Sébastien de notre tente, tout semble bien se passer dans cet enfer Marocain. On fait une petite pause en plein milieu des dunes pour se rafraichir, mais est-il est vraiment possible de le faire dans cette fournaise? Après une bonne dizaine de km, la fatigue me tombe dessus. Fatigue des mes 2 précédentes nuits, je deviens presque un zombie. Alain s’évade une petit peu, j’ai du mal à avancer, le cerveau passe en mode « questcequejefouslà ». La chaleur et la fatigue m’étouffent, j’avance tant bien que mal et je commence à réaliser ce qu’est le 35e Marathon des Sables, je réalise vraiment la chanson d’AC/DC « Highway to hell » (l’autoroute pour l’enfer). Non je ne suis pas malade, j’ai juste une fatigue qui me pèse et m’empêche d’avancer, je n’arrive pas à me réveiller. Alain a maintenant disparu au loin dans les dunes et j’avance sur cette autoroute de l’enfer.

Je vois enfin le bout, le CP2 est à quelques centaines de mètres, peut-être 400m, pas plus, mais mon corps me dit d’arrêter, il faut que je m’arrête un peu, là, en pleine fournaise, au milieu du désert je n’en peu plus, je m’assieds 5 minutes. Je mange un morceau de barre de chocolat super fondu (est-ce encore du chocolat?), je bois un peu, enfin le reste de ce qu’il me reste, le fond du bidon. Et après 5 ou 10 minutes je repars jusqu’au CP2, oui les 400m les plus longs de ma vie de coureur.

Au CP2 je retrouve Alain, qui semble-t-il est là depuis peu de temps aussi, il a aussi bien rôti dans les dunes. Un espagnol se pose à coté de moi, un espagnol de Barcelone très sympa. On discute un peu et je repars. Le lendemain j’apprendrai que cet espagnol est une Rock Star batteur du groupe « Love of Lesbians », plusieurs Grammy Awards … ah bon perso inconnu au bataillon pour moi.

Je repars en pleine forme, j’ai l’honneur de repartir et de discuter un peu avec une légende du MDS, Christian Ginter, déjà 32 participation au MDS et il finira sa 33e participation avec une fracture de fatigue, une force de la nature. Christian est très sympathique et très abordable, une vraie mine d’information de partage et de gentillesse. Je finis cette deuxième étape en bien meilleure forme que la première, Alain est à une encablure de moi à 10 ou 15 minutes d’avance.

Tard dans la soirée, le directeur de course nous appelle pour faire un communiqué: un coureur d’une cinquantaine d’année, Pierre, nous a quitté aujourd’hui dans ces mêmes dunes, d’une crise cardiaque. Une chape de plomb et de chagrin s’abat sur le camp du MDS et nous assomme encore plus, comme si les températures oppressantes n’étaient pas suffisantes. Ce MDS devient vraiment un enfer !!

Etape 3: 37,1 km, l’hécatombe continue

Troisième nuit difficile, toujours un peu de vent et peu de sommeil. On commence à bien s’habituer au rituel de la course: 6h réveil, démontage des tentes et départ vers 8h30. Mais la très mauvaise nouvelle d’hier nous à tous bouleversés. Non cette course n’est plus vraiment ce dont j’avais rêvé, même si nous sommes tous en berne suite au décès de Pierre hier dans les dunes. Cette course tourne vraiment au cauchemar. Les abandons continuent, 102 à la fin de l’étape 2 et encore 32 au départ de cette étape. 134 abandons en tout: une hécatombe. Toute la tente 38 est en forme, quelques ampoules, mais nous sommes tous plus ou moins en état de marche et en course.

Le départ est donné, avec la musique du groupe Love of Lesbian en hommage à Pierre qui nous a quitté hier dans les dunes. Il nous rappelle de ne pas partir d’un ravito sans être sûr d’arriver au prochain sans encombre et de ne pas utiliser les secours pour des petites fatigues au risque d’avoir d’autre incidents graves. Cela me semble du bon sens, mais certains (une large minorité) semblent abuser de l’hélicoptère lors de grosses fatigues.

J’ai peu de souvenirs de cette journée, fatigue, répétition des paysages magnifique ou simplement mon cerveau n’a pas réussi à identifier quelque chose de vraiment différent, je ne sais pas. Dans mes souvenirs, Alain part un peu en tête, je le suis à distance dans les dunes jusqu’au premier ravito, je le vois un peu au loin, je me rapproche et m’éloigne en fonction du terrain. Au premier ravito, je m’arrête pour que les bénévoles me remettent en place ma balise GPS qui me griffe l’épaule. Après une ou deux minutes pendant qu’une bénévole remette ma balise en place, j’entends un coureur presque frais qu’il abandonne. Je suis assez perplexe, il est debout, presque bien et annonce son abandon. Il ne faut pas juger un coureur sur son allure, il vit surement un enfer depuis longtemps (gastro, ampoules, douleurs), et je me dis que l’hécatombe du 35e MDS continue.

Une chose dont je me souviens est ma gestion des bouteilles d’eau sur cette étape, j’ai besoin de 3 bouteilles d’eau pour environ 12-13 km. Ce calcul aura une importance capitale pour la prochaine étape.

Alain fini un peu devant moi, il est bien et marche un peu plus vite que moi et fini encore avec quelques minutes d’avance sur moi. J’arrive avec le coucher du soleil en contournant une dune. Les souvenirs sont très diffus sur cette étape. En arrivant une bénévole très connue dans le monde du MDS (et plusieurs fois finisheuse du MDS) qui était hier encore une coureuse, me félicite. J’en conclue que les abandons touchent même les coureurs les plus aguerri(e)s, cette course continue a être un enfer.

Je prends mes bouteilles d’eau et je découvre enfin la 4e étape qui était LA surprise de ce MDS. Une étape de 82 km. Je pousse un large soupir (de fatigue? de rage? de désespoir?) mais cela ne finira donc jamais, cette course ne finira jamais. J’avais un petit espoir qu’elle soit un peu plus courte. En plus on passera le mythique Djebel Rheris, le roadbook nous demande de bien être prudent, comme si tout cela n’était plus qu’un jeu.

Etape 4: La longue 82,5km, ça passe ou ça casse

J’ai un peu étudié la carte de cette 4e étape et une seule chose me fait peur, la chose qui ne me permettrait pas de finir cette étape. Entre le ravito 2 et le ravito 3, il y a 12 kilomètres et aux vues des précédentes étapes il me faudra 3 bouteilles d’eau pour arriver au ravito 3. Sur ma carte de ravitaillement en eau, où sont notées toutes les bouteilles à chaque ravitaillement, il est noté 2 bouteilles. Sans 3 bouteilles, il est sûr que je ne passe pas cette étape ça sera donc l’abandon !

Encore une fois je ne dors pas très bien cette nuit là, pas le vent, mais plutôt des insomnies entre minuit et 2h du matin surement dues au stress de cette longue étape. Encore une fois, toute la tente 38 est présente au départ de cette étape. Malgré quelques vomissement dans les tentes alentours entendus pendant mes insomnies, nous sommes encore tous frais et en forme.

Le départ est toujours donné avec la chanson d’AC/DC « Highway to hell », Patrick Bauer et son acolyte sont en pleine forme. Patrick nous a encore annoncé une hécatombe d’abandons, encore une bonne centaine de coureurs « out » au départ de cette étape. Que dire, je suis content d’être encore parmi les valides, environ 272 abandons sur les 672 coureurs au départ de la première étape (40% d’abandons), c’est énorme pour le MDS, mais qu’est-ce qu’on fout là.

Mon tendon d’Achille gauche commence à me tirailler mais rien d’alarmant, nous partons ensemble avec Alain. Les 50 premiers du classement au général vont partir après nous, cela permet de resserrer le peloton et de voir les fusées de tête de course nous dépasser après 1 ou 2 h de course. Le parcours est assez roulant, je me souviens de quelques dunes assez raides et magnifiques, je rejoins Alain qui m’avait un peu distancé juste avant le ravito 1. Je fais la connaissance avec un lyonnais Gérald à ses belles chaussettes de la SaintéLyon, on discute un peu et avec Alain nous le doublons. Je crois que l’on passe le ravito 1. Peu après ce ravito, la tête de peloton nous dépasse à grande vitesse, les élites semblent ne pas souffler en courant ni souffrir de la chaleur, c’est hallucinant.

Un peu après le ravito 1, je sens mes forces m’abandonner, je suis fatigué, fatigué de sommeil. Je vois le dernier des élites Greg Runner me doubler comme s’il était à l’entrainement. Alain est déjà au loin sur cette ligne droite, je commence vraiment à ne plus tenir debout. Cette fatigue, qui me prend à chaque étape ou presque, est étrange. Est-ce de la fatigue ou de la déshydratation ? Je continue en essayant de me réveiller, de courir un peu mais rien n’y fait. Je dors, je suis « out » hors-jeu, kaput. Les dunes arrivent et c’est le summum, je n’avance plus, je suis exténué, je dors sur place. Le ravito 2 est à quelques encablures, mais vais-je l’atteindre ? Je n’en peux, plus il faut cela change, je me repose à 2 km du ravito. Je fais signe à tous les coureurs que je suis bien mais que je me repose, oui en plein soleil, sous 50°C, à l’ombre d’une petite touffe d’herbe dos au soleil. Il faut que je me repose, juste m’assoir, ne pas dormir mais juste me reposer.

Ma décision est prise, au ravito 2, je vais voir les docteurs pour essayer de comprendre cette fatigue chronique, je ne peux pas continuer comme cela. Je me suis remis en marche, et en arrivant proche des voitures et des tentes du ravito 2, je vais voir les doc-trotters. Là, je vois une coureuse en pleine déperdition, en là voyant je me console et je me dis que je ne suis pas dans son état. Pensée égoïste mais en la voyant auprès des docteurs je la sais dans de bonnes mains. J’interpelle, la doctoresse à savoir si mon état de fatigue est lié à la déshydratation. Elle me demande « as-tu des diarrhées ? Des vomissements ? ». Je réponds que non. Elle me dit que c’est juste de la fatigue. Me voilà soulagé, je vais me reposer sous une tente. Je vois Alain, je bois, je mange un taboulé et me repose sans vraiment dormir. Après quelques dizaines de minutes, je me remets en marche, Alain est parti il y a 10 ou 20 minutes. Au ravito, 3 bouteilles nous sont données, me voilà soulagé, j’ai validé toutes mes chances pour arriver au 3e ravito.

Je ne sais pas si c’est le taboulé, conseillé par Alain, ou juste la fin de cette forte fatigue, mais me voila requinqué. Après une bonne demi-heure de marche rapide, je me surprends à siffler, je ne sais pas vraiment quelle chanson. Je continue la chanson … en fait je siffle « I will survive ». Le cerveau a basculé, le moral est de retour, je ne suis pas encore au ravito 3 mais je sais que je finirai cette 4e étape, cette longue étape de 82km. Mon cerveau le sait et maintenant moi aussi.

Je marche seul en plein désert, vent de face, il fait chaud toujours chaud, je passe un ancien lac salé et je monte sur l’oued pour arriver sur l’arrivée du 3e ravito. J’arrive en n’ayant pas bu mes 3 bouteilles d’eau, ce qui me semblait impossible il y a quelques kilomètres est fait. En arrivant Alain est là et se restaure un peu avec Fred et Stéphane de notre tente. Je m’installe un peu avec eu, j’en profite pour manger également, une barre un mini saucisson pour fêter cette victoire sur cette étape, je suis enfin au ravito 3, le basculement de cette étape.

Nous repartons avec Alain ensemble pour un bon moment, après quelques centaines de mètres, la nuit est maintenant tombée, à la frontale nous allons affronter la nuit. Quelques centaines de mètres après le ravito, deux voitures de l’organisation sont embourbées dans le sable, nous passons notre chemin en suivant les sticks lumineux qui nous montrent le chemin. Quelques kilomètres se suivent dans des mini dunes, puis sorti de nulle-part un homme nous surprend un peu en nous disant qu’il fait parti de l’organisation du MDS, son 4×4 s’est embourbé dans les dunes et les petits sticks lumineux sont absents sur 1 ou2 kilomètres. Il nous dit de suivre le cap et que nous allons arriver sans encombre sur les prochains témoins lumineux. C’est effectivement ce qu’il se passe, il y a bien 2 nanas qui semblent un peu perdues et font les chouineuses alors qu’il y a des coureurs visibles à plusieurs centaines de mètres. Le terrain est très dur et nous enfilons les km tranquillement jusqu’à de nouveau des dunes juste avant d’arriver au ravito 4.

Arrivée au ravito 4, on décide de bien manger Alain a envie de se reposer un peu, je n’ai pas sommeil, je commence à me faire à manger, j’ouvre mon sac, je mets mon réchaud en marche et je me fais un excellent hachis-parmentier. Oui, il était excellent ce hachis. Est-ce la chaleur? L’habitude du lyophilisée depuis 4 jours qui haltère mes papilles? Mais je trouve ce hachis excellent, je le fais gouter à Alain qui ne dit pas le contraire. Je mange tranquillement mon repas de mi-course (un peu passé le km 50), pendant qu’Alain se repose un peu. Après une bonne demi-heure, nous repartons pour le ravito 5.

D’avoir mangé, cela m’a encore plus réveillé, je suis vraiment en forme, je file en tête et Alain commence à piquer du nez, mais il arrive à bien me suivre. Le parcours n’est pas très intéressant et surtout pendant la nuit, à part un sol très dur et les lumières des coureurs devant, on ne voit pas grand chose. Mes tendons me tiraillent toujours un peu plus, mais j’avance bien, la douleur est gérable. Ensuite nous passons sur des dunes avant l’arrivée du ravito 5, je suis content d’arriver et de me reposer un peu et de soulager mes tendons.

Alain et moi trouvons des transats pour s’assoir. Quel luxe! C’est un vrai palace de pouvoir s’assoir simplement sur des chaises longues. Alain va voir les docs et me remercie ? « Merci de quoi? » je lui réponds, il me dit qu’il est cuit et a sommeil, sans le savoir je l’ai emmené jusqu’au ravito 5. Je suis étonné, je pensais qu’il allait bien. Alain me dit de le laisser ici et qu’il va dormir 2 ou 3 heures. Je suis encore plus surpris, je n’ai absolument pas sommeil, je suis un oiseau de nuit et je pense repartir car ces 3 heures vont refroidir mes tendons et je ne pourrai jamais repartir. Sébastien de ma tente est aussi là, on décide de partir ensemble car il vient de se reposer et est en pleine forme.

Je laisse à regret Alain qui m’a dit qu’il allait se reposer et partir, ou abandonner. Tout le monde est au bout du rouleau, je suis un peu inquiet pour Alain. On est au 60e km, il est 2h ou 3h du matin, on est tous passé par des moments difficiles et je sais que je ne peux pas rester ici 3h. Si je ne dors pas, je ne suis pas sûr de repartir à mon tour. Alors j’espère qu’il repartira sans encombre de ce ravito. On repart avec Seb et nous montons un mur. Le fameux Djebel El Othfal qui se monte habituellement de jour, mais surprise de cette année on le passe de nuit. Une montée difficile, très caillouteuse, sableuse et parfois en rappel jusqu’au sommet, Alain a bien fait de s’arrêter, il m’a dit que s’il continuait il courrait à « la casse ». En montant ce Djebel, je réalise qu’il faut vraiment être à 100% éveillé, sinon oui on court à la catastrophe. On y croisera François de notre tente et qui disparaitra au sommet, il va vite le bougre. Et s’ensuit une descente tout aussi casse-gueule avec des cailloux tranchants sur une voie interminable. J’attends un peu Seb qui commence à ressentir la fatigue.

Cette descente n’en finit pas, elle est interminable, que de la caillasse, on double quelques coureurs. Et le pire s’en vient, des dunes à passer des petits dunes de quelques mètres de hauteur et de descente. Sur le sommet de ces petites dunes des sticks lumineux qui nous montrent le chemin. Un, deux, trois, quatre … sticks lumineux au loin, ça n’en finit pas.
Seb est cuit et a sommeil, il n’en peu plus mais comme un robot me suit. Sur le sommet d’une dune, il me demande de m’arrêter, il s’assied avec moi et ferme les yeux. Après quelques secondes je l’interpelle: « Seb … Seb tu dors ? » pas de réponse. Quelques secondes plus tard, il se réveille et nous repartons comme des zombies, perdus dans ces dunes qui n’en finissent pas. Trois ou quatre km de dunes et dunettes interminables à monter et descendre, le pauvre Seb me suit sans broncher. Ensuite une interminable ligne droite presque plate, Seb me suit toujours 5 à 10 m derrière moi. Je me retourne une, deux ou 10 fois, Seb est là, je le reconnais à ses chaussettes montantes et à sa démarche. Je crie « Seb t’es là? » … « Oui oui je suis là » me répond-t-il à chaque fois. Je sais ce que c’est d’être dans cet état et je lui tire mon chapeau c’est très difficile d’avancer comme cela, j’étais dans cet état avant le ravito 2 et c’est insupportable de ne pas pouvoir se réveiller tout en marchant et on ne peut rien faire.

Enfin au loin le ravito 6, une lumière au loin. Cela nous prendra encore un temps infini pour voir ce dernier ravito. Nous arrivons enfin, Sébastien est aux anges il va pouvoir se reposer (il ne pourra même pas s’endormir), je laisse Sébastien aux bénévoles qui même à 5 ou 6h du matin sont toujours au top et qui nous encouragent comme si nous étions les premiers.
Je pars pour le dernier tronçon de cette étape longue. Le soleil va se lever, je me fais doubler par une coureuse qui file un peu devant moi. Je branche mon téléphone, pas de réseau. Je continue à un petit rythme pendant quelques kilomètres, je suis pas trop mal, mais les tendons d’Achille sont de plus en plus douloureux. D’un coup un ami (Antoine) d’un groupe de coureurs avec qui j’avais fait le HMDS en 2018, envoie un message au groupe disant que je suis en train de finir la longue étape.

Dans les 10 derniers km de la longue

Je réalise que je ne suis pas seul dans cette aventure, tous mes supporter WhatsApp me suivent et ce message me booste comme une piqure d’adrénaline. Je pousse sur mes bâtons et accélère le plus possible en marchant. Je vois d’autres coureurs devant, ils sont devenus mes cibles. Je vais faire une remontada de quelques places. Je dépasse 2 ou 3 coureurs avant d’arriver triomphant à la fin des 82km de cette étape. Je suis même sur la vidéo officielle de l’arrivée de la 4e étape du MDS, la joie est visible.

Arrivée avec le sourire à partir de 0:45

Peu après mon arrivée, je m’aperçois que 2 ampoules ont poussé sur l’extérieur de mes talons, une petite et une plus grosse. Par contre mon tendon d’Achille gauche, qui me fait vraiment souffrir depuis la moitié de la 4e étape est vraiment gonflé. Je vais faire la queue chez les Doc-Trotters pour faire soigner mes ampoules et savoir si mon tendon « tiendra » le reste de la course. A la vue de mes pieds, le docteur dit « c’est tout, 2, 3 petites ampoules très nettes et propres ». Oui la préparation des pieds avec les crèmes Nok et Tano a très bien marché. Je regarde le coureur à coté de moi, cela me fait froid dans le dos. Des plaies à vifs, des ampoules douloureuses rien qu’à les regarder. Quand le médecin le soigne avec de l’éosine, j’entends mon voisin dire « arrêtez sinon je vais m’évanouir », vu sa plaie il ne rigole pas. Par contre, mon docteur ne semble pas inquiet de mon tendon d’Achille gonflé, il me dit que cela n’est que superficiel, me voilà donc rassuré.

Etape 5: Le Marathon 42,2km, la douleur et la fin

Les corps sont fatigués, tous les survivants de notre tente sont présents, on à tous plus ou moins de gros problèmes aux pieds et aux doigts de pieds, mais on est tous présents et prêt à finir la dernière étape qui représente un marathon. La nuit a été très compliqué pour bon nombre de coureurs, 77 coureurs ayant fini la longue étape abandonnent au départ de ce marathon. L’hécatombe continue, on atteint 48% d’abandons, du jamais vu pour le Marathon des Sables en 35 éditions. Avant le départ Patrick Bauer nous donne toujours les mêmes recommandations concernant la balise de secours, sur les pastilles de sel et les bouteilles d’eau.

Le départ est donné, mais ce matin je fais « grise mine », mes 2 tendons d’Achille me font très mal, le gauche très gonflé mais le droit aussi. Sur le premier kilomètre je grimace fort, je me pose des questions. Alain me regarde à plusieurs reprises sans vraiment comprendre, je ne sais pas si je vais pouvoir continuer, la douleur est invalidante. Je serre les dents, j’ai vraiment mal, j’ai des doutes sur les dires du médecins, mes tendons vont-ils tenir encore 42km? Avec ce niveau de douleur j’en doute, la douleur est utile au corps humain, mais là, ne vais-je pas vers la rupture du tendon? J’ai mal et je continue à marcher.

Après un ou deux kilomètres, la douleur s’estompe légèrement et semble un peu plus supportable, je continue à bien boire et à prendre mes pastilles … enfin celle d’Alain, j’ai perdu les miennes sur le bivouac cette nuit. On continue à marcher sur un sol dur on passe encore quelques dunettes. Alain file devant, a plusieurs reprises je me surprends à courir pour le rejoindre, je me sens pas trop mal et la course soulage un peu mes tendons. Comme à la précédente étape les leaders sont partis après nous et nous dépassent avant le premier ravito à une vitesse hallucinante en plein milieu dans les dunes.

Au premier ravito, tout va un peu mieux, les tendons sont douloureux mais bien moins qu’au départ, tout semble mieux et je pense que les tendons tiendront. Je regarde autour de moi, je compte pas moins de 24 voitures et/ou 4×4 qui nous accompagnent dans le désert, l’organisation est incroyable on est suivi par des buggies, des 4×4, des hélicoptères en plein milieu du désert, c’est impressionnant.

En route pour le 2e ravito, je m’amuse de nouveau à courir pour rejoindre Alain, on continue sur un oued (lit de rivière asséché), il fait une chaleur à crever ma montre ira encore jusqu’à une température de 42°C, mais la température en plein soleil doit bien atteindre les 50°C, certains disent encore plus.

Toujours avec Alain nous continuons ensemble sur cette 5e étape, on passe de nouveau des dunes avant une longue ligne droite vers le dernier ravito. Oui le dernier ravito de ce Marathon des Sables, mais la ligne droite, avant celui-ci, est interminable de 4 ou 5km sans aucun relief et droit comme un « i ». Nous passons le dernier ravito, les bénévoles nous encouragent et nous disent qu’après c’est l’arrivée de cette dernière étape. Les cerveaux basculent en mode Finisher, avec Alain on discute de la vie, de la suite des prochaines courses. On passe la dernière difficulté, un petit djebel, une petite montée et derrière: le camp, la vie, l’arrivée, la médaille. On prend quelques photos, on descend gentillement ce dernier obstacle, s’ensuit encore une belle ligne droite jusqu’au bivouac. Encore 2 ou 3 km, en continue à marcher, je prends quelques photos Alain m’attend, plus que 300m … 200m et dans les 100 derniers mètres on recommence à courir. Cette sensation est unique, on est encouragé par les bénévoles, cette sensation de courir m’a un peu manqué, je n’ai fait que marcher lors de Marathon des Sables, mais quel plaisir de passer la ligne après toutes ces douleurs, ces doutes, les quelques nuits sans sommeil et cette chaleur suffocante.

Patrick Bauer nous remet les médailles, je la passe autour du cou d’Alain, il la passe autour du mien. C’est presque irréaliste, nous voici finisher du MDS … enfin pas tout à fait il nous faut encore faire les 8 derniers km non chronométrés demain matin. J’appelle ma femme, elle est aux Anges, elle nous a vu en direct sur le live Youtube du MDS, j’ai un peu du mal à réaliser ce que nous venons de traverser. Mais quelle aventure extraordinaire.

Etape 6: Etape solidarité et fin

Dernière étape du MDS, 8.5km uniquement à faire, pas vraiment de difficultés à franchir, gravir ou surmonter. Quelques dunes et dunettes et après la délivrance, une lit mou, un douche et manger autre chose que du lyophilisée: des légumes frais, des fruits et des vrais plats en sauce. Mais avant il faut quand même finir les quelques kilomètres qui nous séparent de l’arrivée.

Comme à son habitude Alain part devant et je ne peux pas vraiment le suivre, mes tendons d’Achille sont toujours douloureux, mais bien moins qu’hier. Sur le départ, le parcours est très plat et roulant. Au bout de 1 ou 2 kilomètres, un journaliste essaie de me poser une question digne d’un concours Miss France: « que penses-tu de l’étape Solidarité du Marathon des Sables? ». Pris vraiment au dépourvu et ne trouvant rien à répondre que « oui c’est très bien », je croise les bras en lui disant que je ne suis pas vraiment le bon candidat pour ce genre de questionnaire et je continue ma marche clopin clopant en essayant de revenir sur Alain.

Au loin un autochtone nous voit défiler en file indienne avec nos t-shirt jaune poussin du MDS pour cette étape de solidarité. Il doit se poser pas mal de questions sur ces touristes en mal de sensations fortes.

Je finis cette dernière étape en un peu moins de 2h, je n’ai pas revu Alain qui a filé dans son bus climatisé dès son arrivée. Je le comprends bien, un bon repas (sandwich) nous attendra dans le bus et nous le mangerons quelque part en plein soleil sur le bord de la route à l’ombre du bus.

J’arriverai néanmoins le premier pour la douche, le bus d’Alain s’étant perdu dans les méandres du désert un peu avant Ouarzazte. Après une bonne douche et un très bon repas buffet à volonté, nous avons enfin pu dormir sur des matelas souples et moelleux.

Le lendemain nous avons récupéré les T-shirt de finisher et nous nous sommes reposer à l’hôtel et très peu visité la ville de Ouarzazte.

Je finis 289e sur 354 finishers, il y aura 314 abandons soit 47% des partants. C’est du jamais vu sur le MDS, normalement les taux d’abandons est de 5 à 7%. La chaleur écrasante, j’ai entendu jusqu’à 58°C en plein soleil (il n’y avait pas d’ombre), une taux d’humidité un peu plus élevé et une bactérie de gastro a décimé le peloton de ce 35e Marathon des Sables.

La tente 38 finira au complet, aucun de nous n’a abandonné.

J’ai encore du mal à réaliser que j’ai bel et bien fini le Marathon des Sables, mais de tout ce que j’ai lu, c’était le plus dur de tous les Marathon des Sables. Nous avons eu surtout beaucoup de chance de ne pas être touché par cette bactérie, certaines tentes du bivouac étaient vides les derniers jours.

J’ai adoré cette course, mais le manque de sommeil m’a vraiment poussé dans le dur et à plusieurs moments j’ai senti les sirènes de l’abandon me tourner autour.

Je ne connaissais pas, je ne me rappelle pas l’avoir vu, mais une dernière pensée pour Pierre qui nous a quitté lors de la 2e étape.

La CCC, Courmayeur-Champex-Chamonix

Tout avait déjà mal commencé, 9 jours avant la course je tombe sur le genou en montant des escaliers en marbre, le genou s’éclate en premier sur cette pierre très très dure. Les grandes douleurs restent muettes, même si je n’ai pas hurlé, j’ai senti la douleur pendant un long moment avant de m’en remettre. Une douleur qui vous rend malade à transpirer et à avoir des nausées. La deuxième mauvaise nouvelles est arrivée lors d’une des courses de l’UTMB dont la CCC fait partie: un coureur s’est tué sur la TDS (Traces des Ducs de Savoie), la course a été arrêté pour la plus-part des coureurs dont mon pote d’enfance Grégo et un collègue Christophe.

Je me retrouve à Courmayeur, juste derrière le tunnel du Mont-Blanc, derrière Chamonix, la course ne me fait pas trop peur, juste ces barrières horaires qui risquent de me rattraper vers la fin, mais je suis assez confiant. Ma femme m’a accompagné à Chamonix et devrait m’accueillir à l’arrivée, ce week-end à Chamonix me semblait parfait, il faut juste finir dans les temps cette course de 101km et ses 6100m de dénivelé.

Au départ on entend les hymnes des 3 pays qui accueillent les courses de l’UTMB, l’Italie, la Suisse et la France. J’avoue, que pour chacun des hymnes, l’émotion monte un peu, cette course voilà 3 ans que j’essaie de la faire et cette fois j’ai pu enfin être tiré au sort. L’envie est là et l’émotion aussi.

J’envoie quelques photos à mes supporters sur WhatsApp qui m’envient d’être en ce vendredi dans les Alpes plutôt qu’au bureau à travailler. Oui la course à lieu un vendredi et je dois arriver le samedi avant 12h30 heure de la dernière barrière horaire.

Courmayeur, km 0

Pour une fois je ne pars pas dans le dernier sas mais dans l’avant dernier, cela me donne 15 minutes de plus sur les barrières horaires. Le profile de la course ressemble trait pour trait au profile de la X-Traversée d’il y a 2 mois à Verbier: une belle montée de 1500m sur les 10-12 premiers km. Donc cela ne devrait pas poser de problème.

Nous quittons donc tous Courmayeur, sous les « Houras » des habitants du Val d’Aoste, en français ou en italien, les deux langues officielles de cette magnifique région. Tout doucement nous quittons la ville pour arriver après quelques km dans des sentiers montants mais encore très roulants.

Après quelques km, dans une montée très arborée, j’entends, Mizuno, Ascics, Mafate, Saucony, … en répétition. Étrange? En fait des bénévoles semblent compter les marques des chaussures de trail, en me rapprochant, je vois une palanquée de bénévoles (ou marketeurs) en train de faire des statistiques sur les marques de chaussures.

Au 6e km, on arrive à mi course du premier sommet de la « Tête de la Tronche » et on attaque la partie un peu plus en altitude, je vois au loin le sommet et un long serpent de coureur colorés. J’arrive a peu près à suivre le rythme. D’un coup, j’entends plus haut, des cris sauvages, je regarde et je ne comprends pas. Tous les coureurs semblent reprendre ces cris de terreurs. Je regarde bien, non rien. Je tourne ma tête vers la gauche et je vois passer un caillou, que dis-je un mini rocher passer à quelques mètres de moi. Plus haut un coureur a dû glissé sur un caillou et le bolide a dévalé la pente à toute vitesse, je n’ai rien vu.

Quelques centaines de mètres plus, il commence à faire chaud et j’enlève mon foulard/buff de la SaintéLyon, mon voisin derrière me dit que c’est quand même plus joli que la SaintéLyon. C’est vrai que les paysages sont magnifiques et en comparaison la SaintéLyon est très sombre. Je lui réponds oui c’est beaucoup plus joli et surtout moins humide.

Un nouvelle fois, les coureurs devant moi ou plutôt au dessus de moi hurlent; un autre caillou bien plus gros dévale à quelques mètres de nous et à une vitesse encore plus impressionnante, mais cette fois-ci il était plus bien plus loin.

Une catastrophe arrive parfois petit à petit et je commence à ressentir des crampes dans les mains en à cause des bâtons. Certains doigts restent figés, j’essaie de les faire bouger, mais cela ne m’alarme pas trop. Je bois un peu, mais j’ai surtout rien bu ou presque, avant mon départ de Courmayeur. Je me sens bien, mais la machine commence à chauffer, je laisse filer le train de coureurs pour reprendre un peu mon souffle. Je regarde mon temps et mon estimation de passage au sommet, je suis plutôt en avance, donc pas de panique, refroidir la machine me fera le plus grand bien.

Tête de la Tronche: km 9, 2h48 de course, 1420m de D+

Je suis dans les temps, le site livetrail.net estimait mon passage en 2h50, j’ai un peu ralenti après les 2/3 de la montée pour ne pas arriver trop vite et ne pas trop me fatiguer, la course va être encore longue. Tous mes supporters sur WhatsApp sont là et j’entends encore Matthieu dire que je suis un métronome. Oui mais je l’ai un peu fait exprès pour ne pas me cramer tout de suite. Je continue tranquillement sur le Refuge Bertone. Les sentiers sont plutôt roulants, mais je me méfie des chemins en forme de rigole, il y a rien de mieux pour se casser la gueule, vu la largeur des rigoles et de mes pieds.

Refuge Bertone, km 13, 3h31 de course, 1440m de D+

Premier ravitaillement, je mange un peu mais ce n’est pas le diner des grands soirs, je commence à bien boire et je repars assez vite. On continue sur la vallée, à notre gauche le Mont-Blanc, quoi dire de plus. La course pourrait s’arrêter là, c’est magnifique, grandiose. Les photos sont jolies mais cela rend beaucoup moins bien qu’en vrai.

Vers le km 17 tout s’enraille, mais tout. Jamais aussi tôt dans une course j’ai ressenti des crampes, je sais qu’il faut que je boive que cela ira un peu mieux, mais tout semble bien orageux d’un coup. Je n’ai pas fait le cinquième de la distance et voilà que les crampes commencent à me tirailler. L’année dernière, j’ai eu les même crampes au km 30 (sur 74) à l’UTMJ, j’ai pu finir dans la douleur et faire 40 km avec des douleurs aux cuisses. Aujourd’hui pour boucler ce demi-tour du Mont-Blanc il me faut faire plus du double, soit 84 km. Je commence à sentir le gyrophare de l’ambulance (ou l’abandon), mais je pousserai tant que je peux.

Je bois je mange un peu, les crampes sont là et repartent au fil des km, la partie va être longue contre elles. Je pense que le manque de dénivelé, dans les dernières semaines d’entrainement et le manque d’hydratation juste avant la course sont les principales causes de ces maudites crampes. Sur la X-Traversée, tout cela c’était bien passé, de plus les profils de la CCC et de la X-Traversée de Verbier sont assez similaires dans les premiers km. Bon de toute façon, maintenant il va falloir gérer, gérer les jambes et les barrières horaires aux vues de mon état et cela ne va pas être facile.

Arnouvaz, km 26, 5h59 de course, 1860m de D+

La descente sur la ravito d’Arnouvaz commence a être un véritable calvaire, je me retiens un peu sur les bâtons pour éviter les douleurs aux cuisses. J’arrive au ravito, je me restaure bien, un peu de fromage local (un peu étouffe chrétien), du Coca, j’en profite.

Un bénévole m’appelle par mon prénom (qui est sur mon dossard) et me demande si tout va bien. Je réponds que j’ai des crampes aux cuisses et je lui demande s’ils ont des pastilles de sel. Il me répond de demander aux médecins juste derrière moi. Je réitère ma question au médecin, celui ci me répond « pourquoi ? ». Je luis explique que j’ai des crampes depuis un petit moment (9km).
Là, la conversation devient un peu étrange « quand as-tu pisser pour la dernière fois ? », je réponds en bafouillant que je ne me rappelle plus où exactement mais que oui j’ai « pissé » depuis le départ. A ce moment là, il m’explique le pourquoi de ces questions très étranges. En fait en continuant à courir avec des crampes, il me dit que je risque de « bouffer mon muscle » et que si je vois mon urine devenir brune ou rouge, c’est le signe d’une « hématurie de l’effort » et que je risque détériorer mon rein et je finirai sous dialyse. Là je flippe un peu!
Bon là les choses sont claires et nettes. Le médecin me donne une pastille de sel que j’avale et je sors du ravitaillement. Première chose que je fais: je pisse. Je pisse jaune, donc je continue, dans la douleur mais je continue.

La montée du grand col Ferret est aussi magnifique, je vois une ribambelle de coureurs qui montent tout au sommet la-haut. Je déplace mon regard sur la gauche, non le sommet est encore un peu plus haut. Cela semble très haut, mais cette montée est beaucoup moins longue que la première, mais de visu elle me parait interminable. Je me fais un peu doubler par d’autres coureurs, j’arrive a peu près à monter avec les autres. Les cuisses sont un peu douloureuses, mais en montée les douleurs sont gérables. Je dois arriver au sommet vers 7h50 de course pour être dans les temps, même si les jambes ne sont pas au top, je peux toujours voir si en n’étant pas au top de ma forme j’ai une chance de finir la course. Petit à petit je vois que je ne suis pas trop en retard, les cuisses supportent bien le dénivelé positif, mais le sommet semble encore haut. Je commence à me faire doubler mais c’est une habitude, je ne m’inquiète pas trop.

Grand Col Ferret, km 30.7, 7h59 de course, 2600m de D+

J’arrive au départ, un hélicoptère tente de se poser sur le sommet, mais semble-t-il cela sera difficile, c’est impressionnant il est juste à 3 ou 4m du sol, bravo le pilote.
Je passe le sommet avec 9 minutes de retard sur les estimations du site livetrail.net. Ce n’est pas si mal, maintenant je vais voir ce qu’il reste de la machine et mes jambes sur la descente jusqu’à la Fouly. Très rapidement je vois que c’est la catastrophe, je croise un breton qui file comme lapin sur une petite pente de -5%, le chemin est très large et très roulant, je devrais courir et le suivre à son petit rythme. Rien à faire, mes cuisses sont trop douloureuses, je n’arrive plus à courir. Normalement là ou je peux enfin dépasser les autres coureurs, je suis encore à l’arrêt. 15km que je me bats avec ces crampes, mais là je ne sais pas comment je vais faire pour repartir. Alors je marche.

Petit à petit et à un rythme de petit marcheur j’avance, je ne pense plus vraiment à l’arrivée, mais où est-ce que je vais arrêter? Surement la Fouly dans quelques kilomètres, plus j’avance plus mes jambes me font souffrir, des couteaux me rentrent dans les cuisses à chaque pas. Sur l’échelle de douleur je pense être à 6 ou 7 (sur 10), cela pendant quelques fractions de seconde, mais c’est douloureux. Je continue à marcher, plus je m’approche de ce dernier ravito (pour moi, La Fouly) plus mon cerveau me dit que c’est la fin et que je vais finir à l’hôpital (ma phrase culte: la médaille ou l’hôpital).

Arrivée à 5km de La Fouly, j’annonce à mes supporters et à ma famille que le prochain ravito sera mon terminus, trop de douleurs et petit à petit je finis par encore ralentir pour prendre des photos et discuter avec les randonneurs. Le cerveau a lâché l’affaire, me voilà DNF (Did Not Finish). Tous mes supporters me félicitent, mais j’essuie quand même une petite larme, ne pas s’hydrater et avoir des crampes au 17e km …. j’enrage, quel idiot je fais.
Mon pote Matthieu m’écrit en privée et me demande « si ma décision est irrévocable ». Je manque de lui répondre que non, car ça commence à aller mieux, mais 300m plus tard sur une descente un peu technique mes cuisses me déchirent une grimace qui montre que les muscles sont à bout. Je vais finir au 40e km et puis c’est tout!

3km avant La Fouly, je ne comprends pas pourquoi ni comment, un petit revival, mes jambes se sont refaites une santé, le chemin est en légère descente et soudainement je me remets à courir, les douleurs sont encore un peu là, mais sans commune mesure par rapport au précédents kilomètres. Je cours, je cours et je recours, je suis aux anges et si … et si je continuais. J’annonce avec fierté mon revival à mes supporters, ils sont tous heureux de voir que je n’abandonne pas si vite, la médaille n’est pas du tout gagné et le gyrophare de l’ambulance pour l’hôpital est toujours là, juste derrière moi.

La Fouly, km 40, 10 de course, 2660m de D+

J’arrive avec 30 min de retard à la Fouly sur le temps prévu. Rien de catastrophique pour le moment, j’ai pris mon temps, mais surtout les jambes sont un peu revenues. Je me dis que je vais essayer à chaque ravito de voir ce qu’il me reste dans les jambes et voir si je pourrai aller jusqu’à l’arrivée. Je m’y vois à cette arrivée, ça serait un miracle de finir car les douleurs vont revenir et certaines descentes risques d’être déchirantes de douleur. Mais je tente la prochaine étape Champex-Lac car comme on dirait avec mon pote Grego: « On n’abandonne pas à la Fouly » suite à son abandon à La Fouly lors de la X-Alpine.

Je repars donc à bloc de La Fouly prêt à en découdre comme jamais, et bien motivé pour arriver à la prochaine étape. En sortant je prends un morceau de gâteau, que je déguste en marchant et … roulé-boulé.
Je fais une « pirouette-salto-avant » digne de Belmondo. Un coureur vient me relever, vérifie que tout va bien. Je le remercie chaudement, j’ai vraiment été surpris (encore par une racine) et je suis très bien tombé sans me faire mal. Mais je repars aussi sec en courant et en courant assez vite (6min/km, 10km/h), je suis aux anges. Je sais que cette victoire sur mes douleurs n’est que passagère, dans quelques kilomètres tout va revenir. Néanmoins, je commence à doubler des coureurs, le moral est top et je me surprends à rêver de l’arrivée, mais cela ne sera qu’un rêve.

La nuit tombe et maintenant je continue à marcher vite, les sentiers sont beaucoup moins roulants, beaucoup de cailloux et de racines. Mais même lorsque je marche j’arrive un peu à doubler, si je n’avais pas ces douleurs aux cuisses. Maintenant la nuit est bien tombée, à chaque fois que je m’arrête je vérifie à la frontale que mon urine est bien jaune et non pas rosé ou brune, de ce coté là tout va bien. Me voilà arrivé à Praz-le-fort petit village au point bas avant Champex-Lac. Comme me disait mon pote Grégo la petite montée du Champex n’est pas si simple. Effectivement ça monte un peu, mes supporters m’encouragent toujours même s’il se fait déjà tard, il est 22h.

Je me fais doubler les quelques coureurs que j’avais doublé dans la descente, la montée est longue même sil elle ne fait que 400m de dénivelé, elle me parait interminable. A 1 km de Champex, je sais que je suis bientôt au ravito, mais aucune musique, aucun bruit je me crois en pleine nature, où est ce maudit ravito. Je traverse la route et un peu plus haut je vois la ville, j’arrive enfin à mon terminus.

Champex-Lac, km 54, 13h20 de course, 3200m de D+: Terminus

J’arrive bien entamé au ravito, le moral est bon mais la tête à déjà basculé en mode DNF. Je me pose la question de savoir s’il faut continuer: Oui ou Non ?

  • Oui, j’ai encore de quoi repartir, donc il faudrait le faire tout de suite, j’ai 45 minutes d’avance sur la barrière horaire.
  • Non, je suis bien naz j’ai le Marathon des Sables dans moins d’un mois et 2 cuisses en agonie depuis 37km, j’ai mal

Mes supporters me poussent à continuer, mais le Non l’emporte depuis un moment sur le Oui. Je prends à manger et je me pose sur un banc, la décision est prise j’arrête là. Les 3 prochaines montées que je vois sur la suite du parcours me font horreur: 3 montées dont 2 redoutables à 17% et 20%. Je ne me vois pas finir ce calvaire surtout avec 2 cuisses en moins. Après mon bon sandwich pain, saucisson, fromage improvisé à Champex. Je vais voir l’organisation et je rends mon dossard, soulagé. C’est fini, je suis « Did Not Finish ».

Dans le bus, un peu après

Aurais-je pu finir et faire une victoire aux forceps? Rien n’est moins sûr, j’ai perdu un peu de temps avant la Fouly, mais de plus vu mes piètres performances en montée j’aurai surement été éliminé aux barrières horaires, mais j’aurai été un peu plus loin.

Dans le bus avec les autres DNF


Je m’aperçois qu’il faut bien se préparer mentalement quand tout va mal et prévoir les questions à se poser avant un abandon. J’ai regardé après la course, Champex-Lac et La Fouly sont les ravitos où les coureurs ont le plus abandonné durant la course. Je pense que si j’avais eu cette information avant le départ, je serais (peut-être) allé un peu plus loin histoire de sortir du lot, je pouvais repartir à Champex mais le cerveau avait déjà basculé dans le mode DNF. Le cerveau avait aussi peur des barrières horaires, j’aurai pu repartir avec 15 minutes d’avance de Champex au moment ou j’ai rendu mon dossard, mais je ne me voyais pas affronter encore 3 montées et plus de 45km. Si j’avais été à 20-25km de l’arrivée je serai reparti et surement fini.

En conclusion, c’est une accumulation de soucis qui m’ont fait abandonner, je ne regrette pas du tout mon choix. Mais cet abandon m’a permis de voir où trouver les ressources mentales pour continuer même si tout ne va pas bien. Mais à froid il est toujours facile de dire « j’aurai dû … ». Dans le feu de l’action j’étais très content d’abandonner et de finir ce calvaire. La X-Traversée (73km et 4900m de D+) était aussi difficile sur le papier, mais moins longue que la CCC (101km et 6100m de D+), mais aujourd’hui la machine était moins prête.
Alors je reviendrai, l’année prochaine, si le tirage au sort me choisit, sinon j’ai déjà trouvé 2 courses équivalentes avec la même distance et le même dénivelé que cette mythique CCC.

Un grand merci à tous mes supporters, qui furent là tout le temps dans mes pensées et aux ravitos. Un grand merci aux bénévoles et aux organisateurs pour le parcours de cette course formidable, comme le disait un certain Arnold: I will be back !!!

X-Traversée, 74km 4900m de D+

La distance ne me faisait pas peur: 73 km, j’ai déjà fait ce format là plusieurs fois. Mais le dénivelé me laissait un peu plus perplexe: 4900m de dénivelé positif. Le cadre me semblait idéal: les Alpes Valaisannes et surtout assez proche de chez moi, juste à 2h de voiture. J’étais inscrit depuis l’année dernière, mais suite à la crise sanitaire la course a été reportée cette année. Je cherchais un beau challenge pour ce début de saison, je n’ai pas été déçu.

Je connaissais un peu la course, enfin sur le papier ou plutôt sur le net, j’avais lu avec assiduité les contre-rendus de mon pote Grégo et j’avais vaguement vu le profil (dénivelé) de la course. Je me disais que le dénivelé et la distance devraient bien se faire, même si je n’avais pas vu en détail les pentes de cette course. Non je n’étais pas blasé, mais plutôt insouciant après 1 an et demi de crise sanitaire, cette course serait parfaite pour me préparer à la CCC d’ici fin août. Gregory m’avait très souvent parler du « Mur », de Lourtier (1200m de D+ sur 6km) à la toute fin de la course. Mais tout cela c’était de la théorie, du lointain, du virtuel, des courbes sur un graphique. Mais maintenant je n’étais pas au pied du mur de Lourtier mais aux pieds de la course, départ à la Fouly à 8H du matin ce 3 juillet 2021, enfin les affaires reprenaient.

J’étais arrivé la veille: prise de dossard, mon premier test PCR, oui je suis passé entre les mailles du covid. J’y ai vu mon pote Grégo qui va s’élancer pour la 5e fois sur la grande, la X-Alpine, un monstre sur le papier: 111km et 8300m de D+. Le rapport distance / dénivelé est énorme par rapport aux Ultras classiques, qui sont plutôt dans les 170km pour 10000m de D+. Mais Grégo commence à me dire que la petite soeur, la X-Traversée est quand même un gros morceau, je crois que je commence à réaliser que cela ne va pas être facile.

Dans le sas prêts à bondir

Juste avant le départ, je rejoins les amis de Grego rencontrés la veille et mon pote Alain de Cop’ain de Trail. Alain m’avait déjà accompagné sur le Renarde de la l’UTMJ, il est rapide et endurant, de plus, avantage sur moi, il a déjà fait la course il y a quelques années et se souvient lui aussi très bien du « Mur » de Lourtier. Tiens c’est bizarre tout le monde semble redouter ce fameux mur, ça me rappelle le mur de la « Dent du Chat » près d’Aix-les-Bains lors du Grand Trail du Lac avec ces 900m de D+ sur 4km.

Chaque course a sa musique, son totem, pour se marquer le départ. Verbier ne déroge pas à la règle, bien que je n’ai pas bien entendu le speaker nous faire sa présentation, j’ai bien reconnu le poème de Rudyard Kipling (If …) et ensuite bien entendu la chanson du Boss (Bruce Sprinsteen) « Born to Run ». Si la musique du Boss m’a vraiment mis de bonne humeur, je me rappellerai toujours la première fois que j’ai lu le poème de Kipling, je n’avais pas plus de 10 ans, mon père me dit « tiens, lis cela », 40 ans plus tard je me souviens encore de ce jour là et de cette belle leçon de vie que Kipling et mon père venaient de me donner.

La Fouly, km 0, 8h00 du matin

Mais revenons à notre Traversée, Alain tient à rester avec moi le plus longtemps possible, il ne s’est pas trop entrainé et préfère s’économiser sur le début de la course, vu ma vitesse il sera tranquille avec moi. Je suis un vrai sénateur dans les premières heures, les suivantes aussi.
Le départ est lancé, enfin j’écrase une petite larme avec tous les encouragements du public Valaisan ça fait plaisir de se retrouver un peu dans le monde d’avant.

Le départ est lancé je me place dans les derniers avec Alain et nous montons tout doucement vers les lacs de Fenêtre sur un chemin montant peu pentu et très roulant sur les premiers kilomètres. Alain semble avoir les jambes qui le démangent, car après quelques hectomètres, je le vois disparaitre devant moi. Il voulait me suivre, mais je suis définitivement trop lent pour lui.

Tout est très vert et très pentu au début, très rapidement, la verdure devient plus rare et la végétation laisse place à des sommets très gris. Vers le col de Fenêtre, la neige apparait. Cela glisse un peu, dans la longue ascension des coureurs, je fais partie du peloton de queue, nous avançons tous à peu près à la même vitesse. On passe ce col et nous voilà officiellement en Italie pour quelques kilomètres. Les sentiers sont un peu plus rocailleux, il ne faut pas tomber dans la précipitation, je cours/marche doucement pour ne pas tomber. Je remarque quelques coureurs coureuses qui vont me suivre tout au long de la course et avec certains on ne va pas arrêter de se doubler. Je passe la route qui monte au Grand Saint-Bernard, je vois passer les motards et autres touristes en car ou en voiture. Je regarde à droite à gauche et je continue sur le chemin. A un moment j’ai l’impression que mon cœur s’emballe, j’ai un coup de moins bien qui dure quelques minutes, je me dis que c’est surement dû à l’altitude et je repars.
Arrivée vers le Grand Saint Bernard, me voilà mieux, je cours un peu et je suis accueilli par des « Grandé, Grandé »: je suis bien en Italie.

Grand Saint-Bernard, 12.7km, 2h57 de course et 1200m de D+

Je prends quelques tranches de saucisson italien et du carburant pour la suite, je ne m’attarde pas sur ce ravitaillement, il reste plus de 60km. Avant la montée du Gd Saint Bernard, mon mollet me tiraille de nouveau un peu. Je sens une légère gène, mais rien de grave, celui-ci m’a causé des soucis en début d’année, je me dis que je ne risque rien. La dernière fois qu’il m’a fait des misères j’étais en train de faire du fractionné et le muscle à lâché d’un coup. Aujourd’hui, le muscle est chaud et je ne risque pas de faire du fractionné, il est un peu douloureux à la montée. Actuellement je ne risque rien et maintenant m’attendent 14km de descente.

Je descends tranquillement, sur Bourg Saint-Pierre, le chemin est plutôt roulant mais les nuages s’annoncent un peu sombres. Quelques coureurs s’arrêtent pour mettre leur vestes de pluie. Je décide de ne pas mettre la mienne et de ne pas perdre de temps, pour éviter de l’enlever d’ici 30min. Pour une fois, j’avais raison, un petit crachin et puis s’en va. Je commence à doubler, plusieurs coureurs dont un Américain avec une accent Belge de Bruxelles, la Suisse est très internationale.

Les paysages sont magnifiques en redescendant sur Bourg Saint-Pierre, le lac des Toules et son barrage. Je continue à doubler en descente, mais la future montée me fait craindre le pire sur mon classement. J’ai encore un petit coup de moins bien dans une minuscule montée pour reprendre une route, bizarre cette sensation soudaine de ne plus avancer. J’entre dans la ville de Bourg-Saint-Pierre, en courant plus ou moins.

Bourg-Saint-Pierre, 25.4km, 4h53 de course et 1600m de D+

Je m’arrête un peu, j’ouvre mon téléphone et tout mon club de supporters m’encourage avec des messages sur WhatsApp. Ma femme m’encourage en me disant que je suis lent, 4km/h de moyenne. Oui, je sais je suis lent, je sais mais ça monte un peu aussi et il faut que je gère encore le double de la distance et du dénivelé, je suis juste au tiers de la course. Son message était plutôt un message d’encouragement pour me dire que je suis parti prudemment.

Je ne m’attarde pas au ravitaillement, je repars aussi vite, une grosse montée m’attend, je ne sais plus combien de D+ m’attendent, mais je sais que ça va être dur et long. Le chemin est très praticable ça commence à monter et plein de coureurs que j’ai dû dépasser au ravitaillement commencent à me redoubler. Un coureur Suisse me parle un peu, il me dit de le suivre pour ne pas perdre le rythme, il va un peu plus vite que moi. Je lui dis de laisser faire et que je ne pourrai pas le suivre vu ma vitesse ascensionnelle d’escargot. En fait il finira une place devant moi à Verbier. On passe encore et encore des rivières, des endroits bien humides, je dois à chaque fois faire très attention à mon capteur de foulé Stryd (mesure de puissance). Il est résiste à l’eau mais il n’est pas complétement étanche. Ça monte encore et encore, j’arrive à peu près à suivre les autres coureurs.

Le parcours est roulant avec encore beaucoup de végétation, on continue à monter en direction du ravitaillement de Mille. Cela devient presque plat et lunaire, le temps se gâte et il commence à faire frais, je me surprends à courir et a redoubler mon coureur Suisse qui lui marche juste avant le ravitaillement.

Mille, km 37.4, 7h57 de course et 2500m de D+

Je me ravitaille, une bonne soupe chaude me fait le plus grand bien, je pose ma gamelle et je vais l’oublier, je ne m’en apercevrai qu’au ravitaillement suivant. Avant de repartir je mets ma veste de pluie, il pleut à peine, mais il fait humide avec un peu de vent. Je remplis bien mes flasques à fond, très important pour la suite. J’adore le goût cerise de la boisson Decathlon, j’aime de plus en plus leurs produits, leur gels et autres boissons sont assez bien notés, quand au prix, je n’en parle pas : c’est du Decathlon. Certains me diront que leurs produits ne sont pas très solide et bien dans à peine 1km je vais leur prouver le contraire.
Je repars du ravitaillement, je redouble une coureuse que j’ai déjà doublé une ou deux fois, je lui passe devant dans une descente à peine technique. Je m’éloigne de quelques mètres … et vlan, je tombe à terre en pleine descente. Je me retiens tant bien que mal avec mes mains et je ressens un airbag amortir ma chute. La flasque Decathlon, pleine à craquer de boisson gout cerise, amortie très bien ma chute. La flasque résiste bien, n’explose pas. Je me redresse, aucune casse, les mains un peu sales, le short également. Mais rien de plus, la flasque a dû retenir environ la moitié de mon corps après une chute de ma hauteur environ. Rien, pas d’explosion, pas de fuite, la flasque est comme neuve et me servira jusqu’à la fin de la course et surement bien plus encore. Je n’ose calculer la pression exercée sur la flasque, mais Decathlon, oui à fond la forme !!

Après cette chute sans gravité, je redouble la coureuse que j’étais en train de dépasser. Je crois que je prends un peu le large, mais elle aussi, je vais la croiser jusqu’à la fin. Les paysages deviennent moins lunaires en descendant et encore des cours d’eau à passer, des petits ponts ou des passages à pied en eaux froides.
Ça y est, le passage sur le glacier Panossière s’annonce et je pars sur le parcours de la X-Traversée uniquement, Gregory qui fait la X-Alpine est derrière moi, j’ai 40km d’avance et le jeu sera d’arriver avant lui à l’arrivée. Ah oui il est bien plus rapide que moi, il fini dans les 10-20% les plus rapides, moi aussi mais dans la section des moins rapides, après quelques calculs, je devrais arriver avant lui et filmer son arrivée.

Cabane Brunet, km 45.3, 9h35 de course et 2700m de D+

Je fais la connaissance d’un Français qui vient d’Alsace ou de Lorraine, on marche au même rythme. Il m’interpelle sur ma belle et nouvelle frontale Stoots que je n’ai pas encore vraiment essayé. J’ai pu la tester à peine 1 heure sur un terrain facile il y a quelques jours avec Matthieu. J’espère quelle durera toute la course, elle est donnée pour 10h d’autonomie.
Au ravitaillement, je m’aperçois que j’ai oublié ma gamelle en aluminium au précédent ravitaillement de Mille, maintenant les pâtes auront un gout de boisson énergisante et que ma boisson énergisante aura des morceaux de pâtes, dommage elle devait me servir pour le futur Marathon des Sables. Je me repose un peu au ravito et je perds de vue mon coureur Français, je crois qu’il est parti avant moi.

Un peu plus loin, un petit passage avant d’arriver sur la grosse montée m’emmenant sur la glacier de Panossière, je monte le long d’une rivière et je manque de perdre l’équilibre et de tomber quelques mètres plus bas, vraiment bizarre de perdre l’équilibre dans un sentier peu pentu mais sans aucune difficulté.

Et là d’un coup tout se complique, ce n’est plus une montée: c’est un pic! Je me vois ralentir et je commence à me faire doubler par tous les autres coureurs. Ça monte à 20, 25 ou 30%, je monte 5m je m’arrête, impossible de vraiment avancer. Alors tel un escargot j’avance au pas lent très. Je me fais doubler par tous, je croise mon pote de chambrée Alex (rencontré hier à La Fouly) qui s’envole comme un oiseau. Une Suisse avec un legging bariolé de rose s’envole également. Je n’avance plus vraiment et je me fais encore et encore doubler. Les jambes vont bien, le moral aussi mais je manque de souffle et impossible de mettre un pied devant l’autre, je ralentis.
Les chemins sont lunaires, le col au loin semble inaccessible et après c’est loin d’être fini, il y aura encore la remontée sur le glacier de Panossière.
Après un temps et une distance qui me semble interminable je passe ce premier col des Avouillons à 2640m. Un bénévole de la course nous encourage, il doit être là depuis des heures sans rien, dans le froid dans ce paysage désolé à encourager des fous, merci à lui.

La redescente est un mur, les bâtons sont de rigueur, une petit chute et bye bye, genoux, chevilles et mains. La descente est technique et très pentue, on passe par de tout petits lacets, un peu de ski sur la neige plus très fraiche et me voilà enfin sur cette passerelle de Corbassière. Dès que je mets un pied dessus je sens l’onde de choc des pas du précédent coureur me revenir dessus, la passerelle oscille ça semble solide, mais bon le grillage du sol me laisse plus qu’apercevoir la roche quelques 100m plus bas. Je n’ai pas le vertige, je marche dessus, il est interdit de courir, mais cela ne me tente pas vraiment de faire un 100m. Même si j’ai un foi inébranlable aux ingénieurs qui ont construit ce pont, je ne fais pas le fier et je me sens mieux sur le plancher des vaches valaisannes.

Au loin cela monte encore et encore, le jour est gris et au loin je vois des petits points qui montent sur le refuge de Panossière. Mais ces montées ne finiront-elles jamais? Et de nouveau je reprends ma marche sénatoriale et tous les autres coureurs me doublent de nouveau. La montée est un sacerdoce, je n’avance pas, je me traine. De nouveaux les quelques coureurs que j’ai doublé dans la petite descente, me repassent comme si le temps s’arrêtait pour moi. Un coureur me double, j’essaie de m’accrocher, mais peine perdue, il s’envole j’ai des plombs aux chaussures, je n’avance pas. Avant d’arriver au refuge de Panossière, je croise la Suissesse au legging rose qui m’avait doublée comme une furie, je m’interroge je ne comprends pas comment elle a pu me doubler aussi vite et n’être qu’a quelques mètres de moi?

Refuge Pannosière, 54.3km, 12h37 de course et 3560m de D+

Un ravito qui fait du bien, le plus dur est fait, il reste une vingtaine de km, je suis dans un paysage magnifique, un grande descente m’attend et ensuite juste le mur infranchissable de Lourtier.

Je redescends du glacier, petit a petit je retrouve la nature verdoyante et je quitte les paysages alpins. Je commence à doubler plusieurs coureurs, mais aussi ma coureuse Suisse au legging bariolé de rose. Je ne suis pas particulièrement rapide, mais d’autres sont plus lents que moi en descente et la descente est vraiment un chemin de randonnée.


Petit à petit le jour se couche, je vois une magnifique mer de nuage sur Lourtier, je mets un long moment à allumer ma frontale, je suis presque dans le noir complet quand je l’allume. Place à la nuit et au mur qui m’attend. Avant d’arriver à Lourtier je me perds sur une route bitumée en voulant envoyer un message à tous mes supporters de WhatsApp.
J’arrive à Lourtier non sans une certaine appréhension, Grégo m’a tellement parler de cette montée et vue ma vitesse dans les dernières montées j’ai peur de jamais voir le jour (plutôt la nuit) du sommet de La Chaux.

Lourtier, km 64.8, 15h01 de course et 2580m de D+

Je rentre dans le gymnase, je vois énormément de coureurs et coureuses qui m’ont doublé dans les précédentes montées. Des grimpeuses espagnoles qui m’avaient doublées il y a 20km ou 30km, la coureuse Suisse au legging rose. Je ne m’attarde pas trop, une photo pour mes braves supporters qui me sont toujours là. Je viens d’apprendre qu’Alain à abandonné il y a 1 heure, ici, à Lourtier. Il connait la montée et a abandonné, cela ne me réjouit pas, mais je me sens bien et je ne m’attarde pas, je vais affronter le monstre …

Au ravito de Lourtier


En sortant du ravitaillement, je me perds quelque peu et me revoilà vite sur le bon chemin. Et quel chemin, très vite je comprends ce que me disait Grégo. Une montée 20-25% sur du bitume, je quitte la ville ou village et je commence à rentrer dans la foret.
Très rapidement je me fais doubler par les coureurs de la X-Alpine (111km), ils sont partis bien devant moi, mais m’ont rattrapé et me double comme si j’étais une mobylette sur l’autoroute. 1, 2, 3 … je ne compte plus, ils me doublent tous.
Ce n’est pas « Ascenseur pour l’échafaud », cette montée est mon échafaud, je regarde ma montre le dénivelé n’évolue plus, ma vitesse non plus. Je bouge encore, je monte doucement, très doucement, tous me doublent et mon altitude ne bouge plus. Une fonction de ma montre me dit combien il reste de dénivelé … rien le chiffre reste indéfiniment à la même valeur. La montée est de 1200m et rien, toujours cette même valeur, je monte, je me repose, je me fais doubler. Des virages, des coureurs me doublent et non rien ne bouge, encore 1100m. Je n’avance plus, la seule indication de temps que j’ai, est le nombre de mètres de dénivelé, le compteur n’évolue plus que très très lentement: « N’aies pas peur de ralentir, aies peur de t’arrêter » cette phrase, je la connais bien, mais même si je bouge encore, rien ne me dit que je ne m’arrête pas. Je suis coincé dans une montée interminable et je n’en suis qu’au début.
Encore 1000m de D+, c’est interminable, combien de temps vais-je mettre à franchir cet échafaud. 10, 11, 12 coureurs me passent et je ne compte plus. Quelques coureurs de la X-Traversée me doublent, mais le calvaire continue. Après un temps qui me semble infini, me voici au tiers de la montée … je n’y crois pas. C’est impossible, je continue à monter dans le noir total. Les jambes vont bien, j’ai peu de souffle, je me repose tous les 10 mètres, mais je continue. Même si le temps semble figé, je continue et petit à petit les mètres restant à franchir diminuent, bizarre ils diminuent par palier de 10, 30 ou 50m.

La moité est faite, encore la même montée, je n’avance pas, ma vitesse minimale est atteinte, je tourne entre 30 et 40min/km, soit entre 1 et 2 km/h, mais pas encore 0, je résiste. Je monte dans le noir, je ne vois rien, je suis exactement à l’opposé de la grande descente de la dent du chat au Grand Trail du Lac d’Aix les Bains à la seule différence qu’arrivé au sommet ça ne sera pas fini.

En définitive, je vais mettre 3h à faire les 6km de montée. Petit à petit je vois le sommet et une grande tente dans le noir. Petit à petit le chemin se fait moins pentu et je commence à voir la lumière, pas du soleil, mais celle de la fin de mon long tunnel. Ma montre m’indique encore 100m de D+, je m’accroche sur mes bâtons, je continue à pousser, j’ai la rage de finir cette course.

Lachaud, km 70.8, 18h03 de course 4900m de D+

J’arrive au ravito du sommet tel un Roi, j’ai vaincu mon Dragon, mon Everest. Il ne reste plus que la descente. Je mange, je bois tant que je peux, le gout sucré de ma boisson cerise Decathlon me fait un bien fou. Je sens le sucre rentrer directement dans mes veines, je me sens invincible. J’allume mon téléphone, tous les messages de mes supporters. Quoi? NON ? Grégo vient de me dire qu’il a abandonné pour cause de blessure, aie j’ai mal pour lui. J’espère que ce n’est pas grave et que je pourrai le voir à la TDS dans 2 mois à Chamonix.

Je repars en trottinant, oui oui je trottine, mon combat ne m’a pas anéanti, je peux toujours un peu courir, pas vite et pas longtemps, mais ça fait du bien au cerveau de voir que tout ne va pas si mal. J’ai un vague souvenir de cette descente, petit à petit le chemin devient moins pentu, je commence à entendre des bruits de la ville de Verbier. Je double quelques coureurs, ou je me fais doubler je ne sais plus. Je sors du bois, j’entends le bip du chrono en arrivant sur le bitume, il reste quelques centaines de mètres que je fais en marchant. Courir ou marcher ne changera rien à mon temps, je finis en marchant calmement, je ne gagnerai aucune place en courant, je suis repu de courir.

L’arrivée: Verbier, km77, 19h42 de course et 4900m de D+

Dernier Virage à gauche, l’arrivée est et j’entends mon pote Grégo qui m’a fait le plaisir de venir me voir (il est 3h40 du matin). Ça me fait super plaisir qu’il soit là, j’en ai bavé sur cette course, pas physiquement, les jambes étaient bien, mais les montées étaient redoutables et interminables.
Et bien cette course c’est du brutal, comme le disait Bernard Blier dans les Tontons Flingueurs, il faut venir bien affuté car même si je n’ai pas souffert comme à d’autres courses, il faut avoir le cerveau bien accroché pour finir. Je n’ose pas imaginer la X-Alpine avec un rapport dénivelé/distance encore plus élevé.

Pannossière m’a bien détruit avec ses 2 cols à plus de 2500m d’altitude, mais le mur était plus un mur temporel d’où je n’arrivais pas à me sortir tellement j’étais lent. Mais les paysages sont magnifiques, le glacier de Panossière, même avec ce mauvais temps, était superbe. Je pensais que la course allait être difficile j’ai quand même été surpris.

Encore un grand merci à mes supporters qui m’ont encouragé tout au long de la course, un grand merci à mon pote Grégo d’être venu me voir à l’arrivée d’avoir fait la petite vidéo. Un grand merci aux bénévoles surtout à ceux qui se gelaient sur les cols à plus de 250m d’altitude.


Et aussi un grand merci à Decathlon pour la solidité de leur produits !! Non je ne suis pas sponsorisé


Trail Verbier Saint-Bernard 2021

Non, je ne ferai pas l’Ultra01 comme je le disais en début d’année ici, la pandémie a eu raison des barrières horaires. Notre cher préfet de l’Ain a refusé de donner une dérogation pour l’Ultra01 le 18 juin, le couvre-feu devant se terminer le 29 juin 2021, il semblait difficile de faire un Ultra de 175km en moins de 17 heures (couvre feu de 23h à 6h du matin). L’organisation de l’Ultra01 a donc décalé la course au plus près de la date originale (18 juin) au 9-11 juillet.
Mais la CCC (petite sœur de l’UTMB, 100km et 6000 de D+) se profilant toujours fin août, il me semblait très difficile de faire cet ultra aindinois à moins de 7 semaines de cet autre gros défi.

Je me suis donc résigné et j’avais donc 2 choix:

  • soit réduire la distance à 99km de l’Ultra01 (4500m de D+)
  • ou partir sur la X-Traversée du (TVSB) de 73km et 4900 de D+, course à laquelle je suis inscrit depuis l’année dernière, celle-ci a été repoussée pour cause de crise sanitaire

Après 1 ou 2 minutes d’hésitations j’ai vite choisi, mon ami d’enfance Grégory sera lui aussi sur la course du TVSB, mais sur la version longue: la X-Alpine 111km et 8400m de D+, un monstre cette course. Presque autant de dénivelé que l’UTMB mais sur une plus courte distance, autant dire qu’un petit nombre de coureurs (47% en 2019) arrivent à porter le maillot de finisher. La X-Traversée me semble beaucoup plus abordable avec son nombre de « finishers » de 74%, mais la course ne sera pas facile car la plupart du parcours est en altitude au dessus de 1600m, altitude du départ de la course à La Fouly.

Alain et Stéphan, mes 2 copains de Cop’Ain de Trail seront eux aussi de la partie, comme lors de l’UTMJ 2020 sur la Renarde et ses 72 km. Bien qu’ils s’en défendent, je pense que je finirai encore le dernier du trio.

J’ai bien regardé le parcours, il y un bifurcation entre la X-Alpine (111km) et la X-Traversée (73km), sur la Traversée il y a un passage sur la passerelle de Corbassière (190m de long). Même si le passage ne me fait pas vraiment peur, ma femme n’y mettrait pas un regard encore moins un pied. Cette bifurcation va nous ralentir pour récupérer le premier quart des coureurs de la X-Alpine.

Passerelle de Corbassière

On se retrouvera au pied de Lourtier, une grosse montée de 1200m de D+ sur 6km, pour finir sur une belle descente et revenir à la station de Verbier. J’ai regardé les temps des coureurs ayant la même côte ITRA que moi, je devrai finir cette course dans les 21-23h, ce qui me ferait arriver entre 5h et 7h du matin. Pile poil l’heure d’arrivée de Grégo en 2018 (6h10).

Alors une question me taraude : qui prendra la photo de l’autre à l’arrivée ?!?! En tous les cas cela sera une bonne motivation pour me pousser dans mes derniers retranchements.

Resultats dans 2 semaines le 3-4 juillet

2021 reboot de 2020 ?

Après une année 2020 plutôt chaotique avec des confinements, des dé-confinements des re-confinements, des séances très bénéfiques de home-trainer, des attestations, des couvre-feu mais aussi 2 trails en 2 semaines, 2021 semble s’ouvrir de nouveau à un peu plus de perspectives, voici les courses auxquelles je suis déjà inscris:

Ultra 01, le 18 juin 2021

Mon premier vrai 100 miles (160km) et quelques 8000 m de dénivelé, un de mes défis de l’année. Ma plus grosse distance en trail était le LGTrail et ses 120km, je pousse un peu plus loin avec 40km de plus et obligatoirement une nuit blanche supplémentaire. Dormir ou ne pas dormir quelques temps, minutes ou heures … ça sera la grosse question du mois de juin.

Ultra01.fr

L’Ultra01, l’ultra de mon département (Ain) à moins d’une heure de chez moi

X-Traversée, le 3-4 juillet 2021

Celle-ci c’est un report de 2020, j’avoue que je ne suis pas sûr d’être là pour le départ, elle aura lieu 2 semaines après l’Ultra01 et je ne suis pas sûr d’être complétement remis de mon premier 100 miles. Cette une option, l’année dernière j’avais fait 2 trails de plus de 70km à 2 semaines d’écart, et cela c’était très bien passé. La course semble magnifique

X-Traversée

X-Traversée, 73km, D+ 4900m

CCC (Courmayeur, Champex, Chamonix), le 27 aout 2021

Après 2 tentatives aux tirages au sort perdus, me voici enfin sur la ligne des inscrits pour la petite sœur de l’UTMB. Là aussi un gros challenge, encore une fois je serai limite au niveau des barrières horaires et les altitudes sont bien plus élevées que dans le Jura où j’ai l’habitude de m’entrainer. Encore un défi hors norme pour moi. Elle aussi, se trouve à moins d’une heure de voiture de chez moi.

La Courmayeur-Champex-Chamonix

Marathon des Sables, 1-11 octobre 2021,

250km dans le désert en 6 étapes, après 2 reports en 2020, d’avril à septembre et de septembre à avril 2021, nous voilà plus confiant avec ce dernier report au mois d’octobre 2021. D’ici là, j’espère que là la crise sanitaire sera derrière nous et que l’on pourra profiter du Maroc et de la course … pardon de cette aventure extraordinaire avec le mythique Patrick Bauer.

Le Marathon des Sables

LyonSaintéLyon, 27 novembre

Encore un report de 2020 et à 3 jours de mes 50 ans, je m’élancerai sur le mythique aller-retour de la SaintéLyon. Partir de Lyon en courant pour arriver au départ de la SaintéLyon (déjà 5 participations). Le gros challenge sera d’arriver frais et à temps au départ à Saint-Etienne pour faire le parcours dans l’autre sens.

La LyonSainteLyon

La fine épique de 2016 et 2019, Alain, Briag et moi